WANTED : Dad, dead or alive

featuring : Aloïs, Grim


"TIMOTHEEEEE ! Timothée ! Timothée !
-Jeune maître, calmez-vous, je vous en conjure. Tout le monde nous regarde !"

Aloïs se figea net sur le trottoir, se tordant les chevilles avec indifférence. Comme une mangouste surveillerait son territoire, il haussa le menton et regarda à droite, à gauche, derrière lui, tournant sur lui-même.

"Tu raconte n'importe quoi Timothée ! Tout le monde se fiche de nous !"

Timothée secoua la tête. Le jeune maître ne se rendait pas compte qu'il avait raison, mais pas dans le sens où il le croyait.

"Allez, Timothée, d'après les informations que j'ai pu récolter, il habite par là-bas. Allons-y !"

Le garde n'en revenait pas. Quand on lui avait confié la protection du jeune Deleon, il ne s'attendait pas à un gamon braillard et sur-excité. Lui, il avait servi dans l'armée de la City, n'était jamais au manoir de la famille. Et puis, alors qu'il avait été renvoyé chez son maître à cause de la situation par trop catastrophique de la vieille ville, voilà à quelle mission on l'avait rattaché. N'aurait il jamais le droit à un minimum de respect ?


La maison était si grande ! Alors son père biologique habitait réellement ici ? Mais... C'était plus grand que le manoir où il avait vécu pendant dix-neuf ans ! Incroyable ! Ca dénotait totalement avec la majorité des maisons qu'il avait vues depuis qu'il était à Modernis. Et bien plus avec le petit appartement que Timothée leur avait trouvé. Il avait un voisin de pallier affreux, qui jouait de la musique bizarre, chantait à tue-tête, parlait fort... Et il sortait la nuit autant que le jour, si bien qu'il ne pouvait jamais dormir ! Il avait essayé de le voir, mais Timothée le collait trop.

Aloïs s'avança vers le portail, encadré de deux statues très réalistes. Il voulut pousser ledit portail, quand les statues s'animèrent et le bloquèrent en appuyant sur son épaule. Il eut le droit à une interrogation, l'arrivée de renforts, ce qui ressemblait à des armes dangereuses, tout ça, tout ça. Malgré la prestance et l'assurance de Timothée, il préféra s'en tenir à une insistance verbale. Cela échoua et on le renvoya.



"Timothée, je ne sais pas quoi faire ! Je ne peux tout de même pas forcer la porte de mon père ! Pour qui me prendrait-il ?"

Il se mit à pleurer, ne recevant aucun réconfort de la part de son compagnon, trop froid. Mais il avait l'habitude. Timothée ne lui témoignait jamais aucune affection. Il devait se sentir gêné. Aussi, il fut très surpris quand le vampire posa la main sur son épaule et lui dit avec gentillesse :

"Retournons à l'appartement jeune maître. Nous trouverons bien un moyen."

Aloïs releva la tête, essuya quelques larmes, mais il avait du mal à s'arrêter. Toute sa nouvelle existence était basée sur "retrouver son père". Il n'avait absolument aucun autre but.
Ils arrivèrent au centre ville, passage obligatoire pour retourner chez eux. Mais Timothée leur fit soudain prendre une route différente. La rue était colorée, s'égaillait dans le soir tout juste tombé. Il voulait sans doute le divertir, mais Aloïs était cette fois bel et bien déprimé. Il reniflait et s'essuyait les joues, mais ne parvenait à arrêter le flot. Son cœur sans battement était serré. Il avait peur. Peur de se retrouver seul.

"Oh, jeune maître, et si vous vous faisiez le plaisir d'une sucrerie, comme aiment les humains ?"

"Quel intérêt, Timothée ?"

"Vous adorez ça, jeune maître !"

Oooh... Oui, il avait raison. Aloïs retrouva le sourire et se laissa guider par son garde, qui se contenta de poursuivre quelques pas plus loin. Il y avait une boulangerie, nommée Allic's Lullaby.

"Il n'est que 17h jeune maître. Nous sommes sortis bien tôt ce soir, vous étiez tellement impatient. Je pense que vous pourrez prendre votre temps. Allons manger à l'intérieur."

Aloïs ignorait si effectivement on pouvait manger à l'intérieur de cette boulangerie, mais il verrait bien une fois à l'intérieur.
Quand il passa le seuil, une petite mélodie charmante résonna à ses oreilles, sur un air qu'il ne connaissait pas. Aloïs, les yeux encore humide et le nez coulant, se dirigea jusqu'au comptoir et se mit à lorgner sur tout ce qui se trouvait sous la vitre. Il avait envie de tout ! TOUT ! Et ne parvenait à se décider.

C'était dans des cas comme ça qu'on pouvait dire que la vie était belle. Grim avait finit ses préparations depuis une demi heure et sirotait son deuxième café au cidre au comptoir de son salon de thé. Sa fille jouait aux cartes plus loin avec Caem, l'un des deux meilleurs amis de son fils. Et Ash, ledit fils, s'amusait à dessiner des formes diverses et variées dans une petite surface enfarinée sur le comptoir en discutant de choses et d'autres avec son père. Ils avaient beaucoup de choses à se dire. Ils avaient passé quatre mois l'un de l'autre. Grim ne s'était pas rendu compte tout de suite à quel point sa disparition avait affecté son fils. S'il n'était pas revenu, il aurait sans doute fini comme lui, quelques années plus tôt. On était jeudi soir, en pleine période d'examen et en pleine rentrée boursière et il était à peine dix sept heures. Le salon de thé était presque vide. An Jyu et Caem se retirèrent pour aller trainer en ville mais Ash refusa de les suivre. Ash était presque tout le temps collé à son père. Ash qui d'habitude clamait son indépendance. Ça passerait…Surement avant que sa vie sociale ne soit étouffée. Grim tourna la tête alors que la sonnette de l'entrée résonnait. An Jyu avait du oublier son sac, ça lui arrivait tout le temps. Eh non, c'était un client. Grim appuya sur la sonnette de groom posée sur le comptoir pour faire surgir Matthew de l'arrière boutique. Pourtant le jeune brun n'apparut pas.

-Matthew client!

Au bout de cinq bonnes minutes, le blond se résigna à passer derrière le comptoir, sautant par-dessus d'un mouvement agile, ne s'appuyant que sur un bras. Obligé de faire le service dans sa propre crémerie! Une fois derrière, il détailla ses clients. Un jeune homme, un peu plus âgé que Caem regardait les pâtisseries sous vitrine du comptoir avec un regard d'enfant. Un homme un peu plus vieux se tenait derrière lui. Il devait être son père ou son frère. Une musique résonnait à bas volume. Grim ne changeait jamais de station de radio. La musique ne lui plaisait pas toujours mais il était souvent dans sa cuisine. Et Eden Radio était bien plus populaire que la septième symphonie au violon de Schtrüt. Grim se baissa légèrement avec un sourire, jusqu'à ce que son regard rencontre le regard très coloré de l'autre. Avec un sourire espiègle, il éleva une voix douce.

-Je peux vous aider jeune homme?

Ash lui, regardait avec amusement la scène. Même lui il n'était pas aussi accroc aux pâtisseries. Fixant les sept assiettes vides empilées devant lui avec un sourire, il haussa les épaules et retourna à ses dessins.

(la musique en question: >O<)

VAMPS ♫ My first last

Timothée dut le prendre dans ses bras et filer à vive allure jusqu'à leur immeuble, car Aloïs ne cessait de crier. Les gens sur leur passage foudroyaient Timothée du regard. Si l'un d'eux intervenait, Aloïs pourrait être libre. Il ne songeait même pas qu'il serait malheureux ensuite, à cause des déconvenues qu'il aurait provoquées pour son gardien.

Une fois dans leur appartement, Timothée verrouilla la porte et garda la clef dans sa poche. Aloïs continua de pleurer et crier, il était complètement désespéré. Mais son gardien ne le laisserait pas partir. Pendant deux heures, ce petit manège se poursuivit, puis Aloïs se fit une raison. Il s'enfonça dans un de leurs fauteuils dont il sentait chaque ressort dans la chair de ses petites fesses et soupira en essuyant ses joues avec sa manche. Il ne boudait, il n'était pas fâché contre Timothée. Mais il n'arrivait pas à comprendre. Et il avait eut beau lui demander une explication, rien n'y avait fait. Le jeune vampire renifla une dernière fois, les yeux encore humides, les mains à demi cachées dans ses manches. Là, Timothée dut être attendri, car il vint s'accroupir devant lui et essuya ce qui restait de larmes avec son mouchoir en soie. Aloïs le regarda avec toute sa tristesse, se mordant la lèvre pour s'empêcher de recommencer à pleurer.

"Allons, jeune maître. Reprenez-vous s'il vous plait. Ce n'est pas digne."

Aloïs ferma les yeux et hocha vigoureusement la tête, se mordant plus fort. La présence lourde de Timothée s'éloigna et le silence s'installa. Dans leur appartement en tout cas. Parce que leur bruyant voisin du dessus avait remis ça. Aloïs leva les yeux au plafond. Il mourrait d'envie de le voir. Il braqua ses yeux désunis sur son gardien. Mais Timothée ne le permettrait jamais.
Encore deux heures au moins s'écoulèrent avant qu'un évènement rompe le silence. Aloïs bondit de son fauteuil. On venait de frapper à la porte. Il se tourna vers Timothée.

"Oh, s'il te plait, laisse moi ouvrir ! Je serai sage !"

Il voulait tellement parler à quelqu'un. Timothée hésita et lui donna la clef. Tout content, Aloïs promit de ne pas faire de bêtise et alla ouvrir. Il dut s'y reprendre à trois fois cela dit. Et là, devant son sourire ébahit d'accueil... Aloïs perdit son sourire, finit bouche bée. Il entendit Timothée se rapprocher pour voir alors que LUI le forçait à prendre un paquet. Aloïs s'écarta pour le laisser entrer, poliment, sans le quitter des yeux, la bouche prête à gober les mouches. Il était figé, et puis Timothée s'en mêla.
Le vampire prit le pâtissier par le bras, fermement, cherchant à le faire dégager.

"Merci mais on se débrouillera. Au revoir."

Aloïs devait saisir sa chance ! Mais il avait promis à Timothée d'être sage... MAIS C'ETAIT SON... !

"Non ! Laisse le ! C'est un ordre !"

Aloïs prit un ton péremptoire qui le fit frémir et tapa du pied. Il posa le paquet sur un meuble alors que son gardien s'était figé, ne sachant comment réagir à cette soudaine autorité. Le jeune vampire se précipita sur les deux autres, tira sur le bras de Timothée pour lui faire lâcher prise, sans succès. Il laissa tomber et enlaça brusquement la taille du gentil pâtissier.

"C'est toi mon papa ! clama-t-il d'une voix claire et extrêmement forte. Griméus LaPluie ! C'est toi !"