Kate croisa les bras sur sa poitrine, faisant face à Yvan pendant qu'il lui faisait sa réponse. Oh, Diable mais quelle horreur ! Il allait l'abandonner lâchement à son sort ! Oh, mais elle n'allait jamais s'en remettre... Oui, Kate adorait simulait des émotions, même en pensée. Ça l'amusait. Et puis c'était un bon entraînement lorsqu'elle devait en simuler pour de bon.

Et puis il s'avança vers elle, et il alla carrément jusqu'à lui caresser la joue. Oh... il ne lui en tiendrait pas rigueur hein ? Elle allait vraiment s'amuser. Elle allait s'en donner à cœur joie pour baver sur les von Dast.

Il fit demi-tour. Puis sembla se raviser.

A moins que tu n'aies quelque chose à me dire, elle commence maintenant.

Et j'ai juste besoin de ton entière coopération songea-t-elle ensuite.

Elle sortit comme une tornade du petit salon, sans attendre sa réponse, et grimpa quatre à quatre les escaliers pour rejoindre sa chambre. Et puis sur le chemin, elle croisa Mary. Elle ignorait si Yvan la suivait, mais ce n'était pas l'important.

Remballe mes affaires, va chercher Justin, nous quittons cet endroit sur le champ ! gronda-t-elle, faisant briller ses yeux de colère.

Elle n'attendit pas de réponse de l'humaine et défonça presque la porte de sa chambre en l'ouvrant à la volée. Elle chaussa ses bottes et ramassa ses effets personnels les plus importants en deux temps trois mouvements, avant de quitter la pièce comme une furie, en bousculant presque Mary.

Il est hors de question que je reste plus longtemps dans ce château délabré, où loge un prince de pacotille! hurla-t-elle de toute la force de ses poumons alors qu'elle était sur le seuil de la demeure.

Elle franchit la porte, et se retourna, théâtrale, les pans de son manteau volant autour d'elle. Elle ne devait pas trop en faire si elle voulait rester crédible. Mais c'était tentant.

Vous m'aviez promis beaucoup de choses sire von Dast, mais visiblement, votre famille n'est plus rien ! Je vais confier mon destin et celui de cette ville à quelqu'un d'autre !

Elle se retourna, n'attendant pas ses serviteurs. Ils ne prendraient sûrement pas la peine d'emballer ses affaires, parce qu'ils auraient peur de ce qu'elle leur ferait s'ils ne rejoignaient pas immédiatement le manoir MacMahon. Ce qui obligerait donc Mary a revenir chercher ses affaires. Et lui permettrait d'organiser un premier contact. Pour ce qui était de la sortie théâtrale du château von Dast, elle avait besoin d'être crédible. Ses humains avaient été témoins de ça, et cela jouerait dans la balance lorsqu'elle se retrouverait face à Kalingrad. Toute la cité devait savoir qu'elle quittait le service des von Dast avec fracas au bout de seulement quelques jours.

Elle filait à grandes enjambées furieuses dans les rues de Gothik City. Elle devait rester dans son rôle. Celle de la noble outrée à qui l'on avait fait des promesses non tenues. Elle franchit le pas de la demeure Kalingrad par la grande porte, débarquant avec plus de fracas que lorsqu'elle avait quitté le château.

Où est Chien Kalingrad ! exigea-t-elle.

De la fermeté, et beaucoup de colère. Pour bien leur montrer que sa demande était urgente, qu'elle ne tolérerait aucun refus et qu'elle pouvait bien les zigouiller dans le cas contraire.

Une vampire Kalingrad, présente dans le hall, sembla surprise de la trouver là. Ça aurait été mieux si elle avait été terrifiée. Mais elle semblait sous influence. Ça devait jouer dans la balance. Elle s'éloigna d'un pas incertain vers les étages, abandonnant Kate à sa rage factice dans le hall.

Kate resta dans son rôle et se mit à parcourir le hall de long en large, de la même démarche furieuse, attendant l'arrivée de Kalingrad. Et pendant ce temps, elle réfléchissait à sa stratégie. Et il n'y en avait qu'une seule qui serait vraiment efficace, au vu de sa réputation.

Que me vaut l'honneur d'une telle entrée ?

Elle fit volte-face. Kalingrad était en haut des marches. Il essayait de se donner un air princier avec ses vêtements, mais ça ne donnait pas le même effet que sur un von Dast. Il lui manquait de la classe et de la prestance.

J'ai réfléchi à votre proposition.

Et ? s'enquit Chien Kalingrad en descendant les marches avec une lenteur mesurée.

Elle m'intéresse.

Il arriva devant elle, fixant son regard dans le sien. Mais elle s'y était préparée cette fois, elle s'attendait à ce qu'il utilise son pouvoir. Donc ça ne marcherait pas. Elle l'espérait, sinon elle était dans la mouize avant d'avoir commencé.

Quelles sont les raisons qui t'ont fait changé d'avis ?

Yvan von Dast a eu le culot de me faire des promesses qu'il ne pourra de toute évidence pas tenir. Je vais donc voir si l'herbe n'est pas plus verte ailleurs.

Intéressant murmura Kalingrad en relevant le menton de la vampire du bout des doigts, dans un geste à la fois délicat et ferme. Et qu'est-ce qui me prouve que tout cela n'est pas un piège ?

Elle s'attendait à cette remarque. Classique dans une telle situation. Elle dégagea son menton, et alla se lover contre lui, le visage à quelques centimètres du sien, pressant son corps contre le sien.

Je vais là où se trouve le pouvoir. Et actuellement, il est entre tes mains.

Il sembla hésiter, en sondant son regard. Il serait peut-être plus difficile que cela à convaincre. Néanmoins, il finit par frôler sa hanche d'une main.

Je crois que ceci est le début d'une grande amitié.

Maintenant ? Yvan n'eut pas le temps de répondre qu'un courant d'air le dépassa. Il suivit Kate du regard. Elle semblait furieuse, ce qui le fit grandement sourire. Le prince s'avança un peu et appuya son épaule contre le chambranle, les bras croisés. Il écoutait son exécutrice hurler son indignation à l'étage. Il souhaitait simplement qu'elle ne délabre pas un peu plus la demeure. Mais cela ferait-il réellement une différence ?

Yvan l'entendit redescendre, suivie de ses bruyants serviteurs, désorientés mais soumis. Le prince noir, qui intérieurement éclatait de rire, observa ce curieux cortège doté d'un masque de cire. Mary prit peur lorsqu'elle le vit, alors même qu'il était loin d'elle.

Lorsque Kate eut débarrassé les lieux de sa présence, Yvan soupira longuement. Il se détendit et alla refermer la porte du hall, lentement. La nouvelle s'ébruiterait rapidement. Il n'avait pas de souci à se faire. Et tel qu'il connaissait Kalingrad, elle n'aurait aucune difficulté à le piéger. Chien était malin, méfiant, mais aussi incroyablement arrogant. Il suffisait de le flatter un peu pour en obtenir des montagnes d'or, quel que soit l'or exactement.

Yvan retourna ensuite dans le petit salon et alluma un feu. Il attendrait que passe un mois pour invoquer Arioch. Il estimait qu'il s'agissait là du temps minimum pour que Kate parvienne à ses fins. A moins qu'elle ne réussisse à le contacter un peu avant. Il avait donc soixante jours* pour rassembler les éléments nécessaires au rituel. Ce qui était plus que suffisant. Lorsqu'il aurait tout obtenu, il s'occuperait alors d'autre chose. Le château.

* Un mois = 60 jours (voir ici )