Kate lâcha un gémissement de plaisir exagéré. Il fallait bien ça pour faire croire à Kalingrad qu'elle prenait son pied. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour s'apercevoir que la réputation de ce Kalingrad en particulier était bien usurpé. Parce que les autres qu'elle s'étaient fait étaient bien plus doué au pieu. Lui, il se contentait d'un ramonage en règle, sans s'emmerder avec trop de préliminaires, en poussant des râles poussifs. Oh, et son trip, c'était de mordre les gens jusqu'au sang, juste pour le plaisir de les voir saigner.

En même temps... ce n'est pas en le dénigrant sur ses capacités sexuelles qu'elle allait s'en faire un ami. Alors lorsqu'il commença à jouir avec de grands grognements, elle simula un orgasme pour lui faire plaisir. Et il choisit ce moment-là pour la mordre dans le cou. Elle sentit un filet de sang glisser sur sa peau, puis Kalingrad retomba sur elle, et l'écrasa de son poids. Et il pesait lourd. Très lourd. Mais ça avait au moins le mérite de l'aider à avoir le souffle coupé, comme après tout bon coït alors que celui-là était tout juste... passable.

Il se redressa et commença à la tripoter. Oh... il avait encore envie ? S'il avait été un peu plus doué, elle n'aurait pas dit non. Mais là, ce n'était plus possible.

Chéri ? commença-t-elle en retenant ses grosses mains lorsqu'elles glissèrent sur ses hanches.


Qu'y a-t-il ma chère ?

Elle se redressa, et le repoussa contre le matelas, s'asseyant sur lui pour l'empêcher de bouger.

Rester dans ce lit avec toi m'enchante, mais...

Mais quoi ?


J'ai une affaire à régler, et tu le sais.

Il la repoussa sans ménagement et se leva d'un bond pour entamer des va-et-vient furieux. Il ne lui fallut pas longtemps pour laisser exploser sa colère.

Tu m'appartiens désormais ! Tu n'as plus rien à faire avec ce von Dast de pacotille ! Je peux t'offrir bien plus que lui !

Certes... il lui avait fait un nombre incalculable de cadeaux dès qu'elle avait accepté de coucher avec lui. Au bout de cinq jours. Et depuis trente jours qu'elle était là, elle retrouvait toujours des cadeaux dans sa chambre dès qu'ils avaient couché. Elle se donnait l'impression d'être une pute. Dans le sens littéral du terme. Mais de là à dire qu'elle lui appartenait ? Fallait pas pousser mon grand. Elle n'avait jamais appartenu à personne. Même à ses maris, puisque c'était eux qui lui appartenait à elle. Et c'était quand même une nuance importante.

Je te l'ai dit chéri. J'ai quitté le château précipitamment, et je souhaiterais récupérer mes affaires répondit-elle calmement.

Elle se leva et commença à ramasser ses vêtements que Kalingrad avait semé un peu partout en les lui arrachant presque. Mais elle eut à peine le temps de remettre ses sous-vêtements qu'il s'était approché d'elle à grands pas furieux, lui relevant fermement le menton pour que leur regard se croise.

Il est hors de question que tu retournes dans ce château. Envoie l'un de mes serviteurs.


Oh, elle se doutait bien qu'il ne l'aurait pas laissé y aller. C'était même pour ça qu'elle l'avait insinué. Maintenant qu'il lui avait interdit d'y aller en personne, elle pourrait y envoyer Mary.

Je préfère envoyer Mary. Elle sait ce que j'ai laissé là-bas.

Je n'ai pas confiance en cette humaine.


Moi j'ai confiance en ce qu'elle est prête à faire pour garder sa famille en vie lui répondit Kate d'un ton qui n'admettait aucune réplique. Elle ira.

Ils se défièrent un instant du regard. Puis un sourire apparut sur le visage de Chien.
J'aime quand tu me défies ma chère confia-t-il avant de plaquer un baiser sur ses lèvres. Cela fait tout ton charme.

Elle lui sourit en réponse, et se frotta contre lui, passant ses mains sur le torse musclé de Kalingrad. C'était vraiment dommage qu'il soit aussi nul. Parce qu'il n'était pas si mal foutue sinon. Elle l'embrassa à son tour, plus intensément. Histoire d'endormir sa méfiance.

Je vais chercher Mary.

Pas besoin coupa-t-il.

Oh, alors comme ça il se méfiait encore ? C'était tout à son honneur. Elle renfila son short pendant qu'il faisait sonner une cloche. Elle sentit son regard qui la dévorait des yeux pendant qu'elle se rhabillait. Et puis Mary arriva.

Vous... vous m'avez appelée madame ?

Comme à son habitude, Mary évitait soigneusement de regarder Kalingrad. Elle se méfiait de lui depuis qu'il avait bu son sang. Ça, elle n'avait pas aimé. Personne d'autre qu'elle ne pouvait toucher à SES humains. Et elle n'aurait bu leur sang qu'à moins d'y être expressément obligée, parce qu'ensuite, il aurait fallu qu'elle se retrouve d'autres serviteurs compétents.

J'ai besoin que tu me ramènes les quelques affaires que j'ai laissé au château.

Chez... monsieur von Dast ?murmura-t-elle.

Chez ce parvenu de von Dast sans pouvoir ! grogna Chien.

Mary sursauta et s'éloigna de lui d'un pas en arrière involontaire. Diable, mais quelle poule mouillée...

Tu te contentes de récupérer ce que j'y ai laissé, pas plus. N'oublie pas les partitions dans le petit salon.

Oui madame... murmura Mary.

Oh, la perspective de se retrouver seule dans le château von Dast avec Yvan avait l'air d'enchanter son humaine. Mais il ne la toucherait pas. Donc elle n'avait pas besoin de faire comme si elle allait à une mort certaine.

Tu me rejoindras ensuite au manoir MacMahon. J'ai encore des choses à récupérer là-bas. Allez file.


Elle enfila son manteau pendant que l'humaine s'enfuyait sans demander son reste. Elle lui faisait confiance, elle devait avoir compris qu'elle devait transmettre cette information à Yvan. Il la retrouverait au manoir. Et Mary aurait sûrement le bon sens de lui indiquer comment passer par la porte de derrière. En passant par un trou dans la grille du manoir, masqué par la végétation. Puis en continuant dans le jardin laissé en friches à dessein, justement pour éviter de révéler ce passage. Parce qu'il y avait un endroit où la végétation était dense, au point de former une espèce de haie, très haute. Mais en réalité, c'était plus un couloir de végétation, où il était possible pour un homme de s'y faufiler. Ce couloir végétale dissimulait une porte, qui donnait à l'arrière du manoir. Ensuite, il y avait juste un escalier à monter pour arriver dans la bibliothèque.


Je n'en aurai pas pour longtemps chéri.

Kate embrassa Kalingrad, mais il la retint par le bras, l'empêchant de s'en aller.

Que comptes-tu récupérer à ton manoir ?

Juste quelques effets personnels.

Prends tout ce qu'il te faut. A partir de ce soir, tu t'installes chez moi définitivement.

Cette invitation me touche.

Elle l'embrassa et lui mordilla les lèvres sur la fin. Puis elle lui décocha un sourire ravageur, et fit demi-tour. Ça ne l'arrangeait pas. Il serait capable de l'empêcher de retourner chez elle en toute liberté. Elle sortit de la propriété Kalingrad. Elle espérait qu'Yvan se présenterait bien au rendez-vous qu'elle lui avait fixé. Parce que c'était peut-être l'un des rares qu'ils pourraient se fixer.

Katherine marchait vivement dans les rues de Gothik City. Elle jeta un bref regard par-dessus son épaule au moment de passer les grilles du manoir MacMahon. Personne ne la suivait, et heureusement.

Nick, Papa salua-t-elle brièvement les crânes en traversant le hall à grands pas.

Mary n'était sûrement pas arrivée, elle était peut-être encore au château. Ou alors elle se planquait dans un coin histoire de ne pas tomber sur Yvan. Elle avait dû avoir la trouille de sa vie rien qu' à l'idée de se retrouver seule face à lui.

Kate traversa vivement le couloir et arriva dans la bibliothèque, s'avançant jusqu'au piano. Visiblement, Yvan n'était pas encore arrivé. Et puis, au bout de quelques minutes d'attente, elle l'entendit arriver. Elle se tourna vers lui une demi-seconde avant qu'il ne prononce son nom.

Elle ne prit pas la peine de le saluer, pas le temps pour ça. Ils devaient aller droit au but.

Je n'ai pas beaucoup de temps, Kalingrad ne me fait pas entièrement confiance.

Elle jeta un œil à la bibliothèque, histoire d'apprécier l'état des lieux. Ça commençait à être poussiéreux par ici... Elle allait foutre les foies à Mary pour qu'elle nettoie tout de fond en comble. Elle reporta son attention sur Yvan.

Enfin si, il me fait confiance, il m'a suffi d'à peine une coucherie ou deux. Le problème vient de l'une de ses filles qui elle, ne me croit pas. Et c'est fou ce que ce type est influençable.

Elle parlait à voix basse, presque en chuchotant, avec un débit rapide, mais clair, tendant l'oreille au cas où. Yvan était un vampire après tout, il l'entendrait parfaitement, même si elle chuchotait.

Bref, je n'ai pas encore eu l'occasion de me mettre à la recherche de notre amie Alouka, mais Kalingrad m'a demandé de m'installer chez lui. C'est donc un signe qu'il me fait suffisamment confiance, ou alors qu'il préfère m'avoir à l'œil. En tout cas, cela me donnera la possibilité de me mettre à sa recherche.

Et puis elle repensa à un détail. Un détail qui n'avait rien à voir dans cette histoire, mais qui était tout de même intéressant. Peut-être même que ça allait faire lever un sourcil à Yvan.

Oh, tant que j'y pense... Kalingrad a trouvé de bon goût d'accrocher ta faux juste au-dessus de son lit. Il considère ça comme un trophée. Je te l'aurai bien récupérée, mais ça me paraissait un peu risqué en l'état actuel des choses.

Carrément suicidaire même. Elle ne se tapait pas le pire amant de tous les temps depuis un demi-mois pour tout foutre en l'air pour un bout de métal. Même un bout de métal appartenant à Yvan von Dast.

Et toi, tu en es où concernant l'invo...

Elle se tut en plein milieu de sa phrase. Il y avait quelqu'un, elle l'entendant monter les escaliers. Et elle connaissait ce pas, elle l'entendait beaucoup trop ces derniers temps. Elle soupira.

Je m'excuse pour ce qui va se passer. Sincèrement, je t'assure. Mais évite d'abîmer le piano, je t'en prie demanda-t-elle poliment, toujours à mi-voix.

Sans plus d'explication, elle s'avança vivement vers lui et le frappa de toutes ses forces en plein visage. Tant qu'à faire, autant que ça paraisse crédible. Et puis... elle n'avait pas tous les jours la possibilités de frapper un prince.

Yvan prit place sur une chaise, les chevilles croisées sur la table. Il écoutait attentivement Kate faire son rapport, comme un militaire. Ainsi, elle commençait à risquer gros. Yvan fronça les sourcils. D'après la vampire, sa mission n'était pas en danger. Le prince noir n'allait cependant pas perdre tout ce terrain gagné, sous aucun prétexte. Il avait bientôt terminé de rituel. En réalité, ne lui manquait plus que ce rapport pour l'effectuer. Ainsi donc, dès qu'il serait rentré au château, il devrait affronter les cercles démoniaques. Ce n'était pas quelque chose qu'il avait l'habitude de faire, contrairement à Elijah. Mais Elijah n'était pas en état de l'aider.

Et puis, la conversation dévia sur sa faux. Quand il apprit ce qu'en avait fait Chien, Yvan perdit son sang froid. Il ramena ses pieds à terre et frappa la table du poing. Le bois se fissura jusqu'à l'autre bord, mais le meuble tint bon. Il ne dit rien, se contentant de grincer des dents et de fusiller le sol sombre de ses yeux violets.
Elle le distrait en commençant à lui demander des nouvelles d'Arioch, mais Kate s'interrompit, l'oreille tendue. Yvan avait toujours les sourcils froncés, mais il s'agissait de concentration.

"J'ai entendu aussi, murmura-t-il."

Kate avait la solution. Un coup de poing. Yvan fut trop surpris pour penser à l'éviter. La force le propulsa à bas de sa chaise, qui se renversa sur le dossier. Le vampire se redressa vivement, son premier réflexe fut de riposter. Réellement. Mais il se reprit avant le moindre mouvement. Ils allaient singer un combat pour que la couverture de Kate ne soit pas percée à jour. Mais il fallait que cela soit crédible. En tant que vampires, ils ne risquaient pas grand chose. Donc, les coups portés allaient être réels. Mais comme l'avait demandé Kate, Yvan ferait attention au piano.

Le combat s'engagea donc. Après quelques coups échangés, Yvan saisit Kate par la taille, la jetant sur son épaule puis, dans l'élan l'abattit sur la table. Cette fois, le plateau se brisa en deux. Yvan sauta par dessus les débris en un bond félin et se tint au-dessus de Kate, la main serrait la gorge de la vampire. Ses autres doigts, aux muscles contractés, semblaient prêts à lui arracher les yeux. Il murmra :

"C'est le moment de me jeter à la porte de ta demeure, très chère."

Il se laisserait faire. Plus ou moins. Le prince ferma son poing libre et le dirigea vers le nez de Kate. Un coup prévisible et assez lent pour le parer facilement. L'intrus était tout proche. Peut-être même les observait-il déjà.

Il était extrêmement satisfaisant de voir Yvan von Dast s'énerver. Elle qui avait espéré au mieux un froncement de sourcil, non, elle avait eu droit au poing violemment abattu sur la table et même à un léger grincement de dents.

Et puis elle avait entendu Kalingrad. C'était forcément lui, elle s'était habituée à son pas depuis le temps, vu qu'il n'arrêtait pas de se pointer dans sa chambre à tout bout de champs. C'était sûrement parce qu'il n'était pas très doué qu'il avait tout le temps envie de coucher.

Elle songeait à ça pendant qu'elle échangeait des coups tout à fait réels avec le Prince. Elle essayait quand même de ne pas trop le blesser, parce que bon, ils étaient quand même sensés être... alliés, à défaut d'un meilleur terme.

Elle constata aussi qu'il eut la... disons gentillesse, mais là aussi c'était à défaut d'un meilleur terme, de la balancer sur la table et non sur le piano. Ladite table céda sous son poids, mais comme elle était déjà fissurée, ça ne lui posait pas trop de problèmes. Elle aurait dû la changer dans tous les cas.

Elle se laissa plaquer au sol, elle laissa même Yvan commençait à l'étrangler. Comme tout bon vampire, elle n'avait pas besoin de respirer, alors ça ne la dérangeait pas plus que ça. Mais il fallait encore et toujours être crédible alors elle se débattit un peu.

Et puis Yvan lui suggéra d'écourter les hostilités. Pas idiot, mais c'était quand même sacrément jouissif alors elle hésita. Et puis il leva le poing. Oh, ça pouvait éventuellement faire mal, un coup dans le nez. Peut-être même qu'elle saignerait, que ça allait en foutre partout, et après, il faudrait nettoyer.

Elle dévia le poing d'Yvan et de sa main libre, elle lui colla son propre poing dans la tempe, faisant décoller ses lunettes qui atterrirent dans un coin. Oups, dommage collatéral comme on disait. Elle profita de l'effet de surprise pour le repousser et se relever.

Je te préviens, tu interviens, et je t'arrache les yeux grogna-t-elle à l'intention de Kalingrad.

Elle ne lui adressa pas un regard, niveau crédibilité, ça aurait sans doute été très moyen qu'elle commence à lui faire la conversation, et elle releva Yvan de force, lançant son poing vers son visage, mais il fut plus rapide, et elle dût riposter aux côtes et à la tête. Ensuite, elle se dit qu'elle ferait peut-être mieux de taper ailleurs. Dans tous les sens du terme. Autrement dit, ailleurs sur son corps, et ailleurs que dans la bibliothèque où il y avait quand même son piano.

Elle le balança en direction de la porte, que Kalingrad avait eu la gentillesse de laisser ouverte, et elle le rejoignit. De nouveau, elle l'attrapa, et le jeta carrément au bas des marches. Et encore, elle était gentille. Au début, elle avait pensé le jeter par la fenêtre de la bibliothèque. Mais trop de contrainte. Ça impliquait une fenêtre cassée qu'il faudrait réparer, ensuite il le prendrait sûrement assez mal, parce qu'elle se donnait quand même l'impression de bien en profiter... Tout ça pour dire que ça n'en valait pas la peine. Et puis les escaliers, c'était pas mal aussi...

Barre-toi de chez moi fulmina-t-elle, les poings serrés et tremblant d'une colère fictive, depuis le haut de l'escalier. J'ai assez de déchets qui trainent comme ça.

Elle pensa à lui cracher dessus, pour faire bien, mais c'était peut-être un peu too much. Elle se détourna sans lui accorder plus d'attention et repartit d'un pas vif vers la bibliothèque.

Me parle pas! grogna-t-elle à l'intention de Kalingrad.

Elle donna un coup de pied dans les débris de la table pour bien faire. Et puis elle se rendit compte qu'elle avait mal. Elle inspecta son flanc. Ah oui tiens, un bout de bois d'une bonne dizaine de centimètres était planté dans son dos, au niveau de ses reins. Sûrement une conséquence de sa chute sur la table. Elle le retira, inspectant l'objet entaché de son sang. Humpf... elle aimait bien ce haut, et en plus d'être tâché, il était troué. Merde...

Elle le délaissa et le retourna. Ah tiens, il y avait Mary aussi. Mary qui avait l'air de s'être déjà fait dessus puisque Kalingrad refusait de lui lâcher la main.

On y va, mes affaires sont dans ma chambre. Mary, récupère toutes mes partitions et les livres qu'il y a à côté du fauteuil

Elle lança un coup d'œil appuyé vers l'endroit approximatif où avaient atterri les lunettes d'Yvan pendant qu'elle tirait Kalingrad dans sa chambre. Il allait sûrement vouloir s'envoyer en l'air, il ne pouvait pas résister dès qu'il voyait un pieu.

Que faisait-il là?

Il essayait de me récupérer j'imagine. A vrai dire j'en sais rien et je m'en fiche, j'ai frappé ce pauvre type avant qu'il n'ait eut le temps d'ouvrir la bouche grogna-t-elle, faisant toujours mine que sa colère n'était pas retombée.

Elle claqua la porte de sa chambre derrière elle et la verrouilla. Sans plus de préliminaires, elle poussa Kalingrad sur son lit. Il puait la méfiance, il fallait endormir ça. Autrement dit, coucher. Tout ce qu'il fallait pas faire pour restaurer la ville quand même...

Bien évidemment, Kate para son coup. Le combat simulé se poursuivit, devant les yeux de Kalingrad. Yvan ne lui accorda qu'une attention mineure, un regard, moins d'une seconde. Les coups se poursuivaient, sans qu'aucun des deux adversaires ne prenne l'avantage. Et puis, vint le temps des adieux. Yvan remarqua que Kate saignait, un morceau de table planté dans les reins. Peut-être devrait-il être un peu plus féroce ? Il avait de surcroit perdu ses lunettes et été étourdi, il aurait du paraitre plus engagé. Mais il craignait de se laisser emporter et de la tuer. Kate avait beau être une combattante remarquable, il doutait qu'elle puisse survivre à un véritable combat contre lui. Après tout, il était le prince noir. Ce surnom étant parfaitement mérité.

Le vampire sentit une différence, très subtile, à un moment donné. Il para mais retira son bras au dernier moment, afin qu'elle puisse le saisir. Kate le balança ensuite par la porte de la bibliothèque. Yvan passa près de Kalingrad avant que son dos ne heurte le sol. Il glissa ensuite jusqu'au mur. Elle avait réussi à l'étourdir à nouveau. Il ne se rendit compte qu'il était à nouveau en l'air qu'une demi seconde avant de planer de nouveau. Il protégea son visage en priorité, ses épaules heurtèrent l'arête d'une marche, ses reins celle de la marche du dessous, puis il roula dans le hall. Une fois immobilisé, Yvan décroisa les bras de devant son nez et se redressa. Kate venait de terminer de lui envoyer un ordre, qu'il n'entendit pas. Et elle fit demi-tour, le laissant épuisé dans le hall.

Yvan tendit l'oreille, la tête vers les étages. Kate et Kalingrad se déplaçaient dans la maison. Une porte. Plus rien. Et puis, des pas plus lourds. Humains. Yvan attendit encore, la vue faible à cause de l'absence de ses lunettes. Il reconnu néanmoins Mary, qui s'approcha de lui, transpirant sa peur. Le vampire la fixait de son regard sévère, sans pourtant éprouver d'animosité particulière envers elle. Disons plutôt que cela n'avait rien de personnel. Elle était humaine, ça suffisait à le répugner. Il saisit pourtant le bien qu'elle lui tendit et la regarda se détourner sans broncher.
Le prince remit ses lunettes sur son nez et cligna des yeux pour ajuster sa vue. Mary commençait à remonter les escaliers, sans doute pour s'adonner à d'autres tâches, à moins qu'elle ne souhaite s'enfermer dans sa chambre, loin des trois vampires occupant la maison. Yvan ne lui laissa pas le temps de poser le pied sur la deuxième marche et la rattrapa, la saisissant par derrière. Elle commença à crier, mais il posa la main sur les lèvres de la femme, l'empêchant de poursuivre. Mary se débattit, il emprisonna ses bras du sien, les collant contre le corps de l'humain. Une côte craqua et elle se mit à pleurer. Raffermissant sa poigne sur sa bouche, Yvan fit basculer la tête et planta ses dents dans la gorge découverte.
Le corps s'affaiblit rapidement alors qu'il aspirait le sang à grandes goulées. Il lui en laissa suffisamment pour rester en vie et lâcha le corps qui s'effondra mollement dans l'escalier.

"Un message à ta maîtresse", lâcha-t-il froidement.

Yvan se détourna et se retira de la demeure. Il n'avait pas fait ça pour le plaisir, mais pour donner une raison supplémentaire à Kalingrad de croire en la bonne foi de Kate. Cela dit, il ne pouvait se mentir : il en retiré une certaine satisfaction. C'était ainsi : il avait horreur des humains.

Kate commença à déshabiller -enfin plutôt à arracher méthodiquement les vêtements de Kalingrad- dès la porte claquée ou presque. Et puis, chose qui n'était encore jamais arrivée, il la repoussa, et l'attrapa fermement par le menton pour l'obliger à le regarder.

Tu ne me trahiras jamais, n'est-ce pas?

Sérieusement? Il avait préféré lui poser cette question idiote au lieu de copuler? Il espérait quoi? Qu'elle réponde « non mon sucre d'orge d'amour, je ne te trahirais jamais, je t'aime trop pour ça! ». Elle ne savait même pas ce que c'était dans la pratique, l'amour. Dèjà qu'elle ne connaissait que vaguement la théorie... Et puis elle n'allait pas non plus lui répondre « Mais non, parce qu'en fait, je l'ai déjà fait et je me sers de toi pour servir les intérêts d'Yvan von Dast ».

Pas tant que tu as le pouvoir en tout cas. Mais d'après ce que je sais, tu vas l'avoir un moment.

Il se redressa, tenant toujours Kate par le menton, l'obligeant à se redresser elle aussi pour éviter que sa tête ne finisse par se détacher de son cou.

Qu'est-ce que tu sais exactement?

Olala, elle allait avoir une marque, vu la façon dont il serrait sa gorge. Mais c'était une occasion unique d'obtenir des informations capitales. Yvan lui revaudrait ça.

Le soir où je me suis introduit chez toi avec l'autre crétin, nous avons découvert ton petit parchemin. Il sait que tu as conclu un pacte avec Alouka. Et si tu veux tout savoir...

Elle repoussa sa main, fermement, puis elle planta ses yeux bleus clairs dans les siens.

Ça lui a foutu la trouille de sa vie. Je te jure que dès l'instant où nous avons franchi la porte de la ruine qui lui sert de château, il a commencé à pleurnicher sur son sort. « Ouin ouiiiin Kalingrad a réussi à invoquer un démon! » commença-t-elle à geindre. « Je ne pourrais jamais en faire autant et rivaliser avec lui, je suis perdu, l'honneur de ma famille est détruit! Heureusement que je peux compter sur toiiii ».

Elle voyait le sourire moqueur de Kalingrad s'élargir à mesure qu'elle poursuivait son imitation d'un Yvan pleurnicheur. Il ne lui fallait pas grand chose, puisque même dans un univers parallèle, l'existence d'un Yvan tapette était hautement improbable. Pourtant, cela aurait pu être très amusant. Mais Kalingrad ne marchait pas, il courait, il en jubilait comme si d'un seul coup, quelqu'un lui avait donné un champ de vierges dont il pouvait disposer comme il le souhaitait.

Et quand il m'a raconté sa torture... Diable... Mais quelle... tapette! Il pleurait en appelant sa mère! « maman maman ils m'ont fait du maaaaaal ». Il a été intenable, incapable de réagir, il s'est terré comme un gamin terrifié dans son lit... C'est pour ça que j'ai décidé d'aller voir ailleurs. Et visiblement j'ai bien fait parce que...

Parce que quoi? Elle n'eut pas le temps de le dire. Cela ne tombait pas trop mal puisqu'elle n'avait pas réfléchi jusque là. Elle avait crû entendre un début de cri étouffé. Elle plaqua fermement sa main sur la bouche de Kalingrad pour l'empêcher de parler, oreille tendue. Si c'était ce qu'elle croyait que c'était, elle allait faire de la bouillie de prince. Maintenant, elle entendait des pleurs, vaguement.

Katherine décolla littéralement du lit et bondit dans le couloir. Ça n'allait certainement pas se passer comme ça. Elle l'avait prévenu dès le premier jour, pas touche aux humains!

Mais lorsqu'elle arriva dans le hall, il était désert. Enfin... il y avait Mary à moitié agonisante sur le sol. Mais les humains agonisants n'entraient pas dans son décompte. Prince noir ou pas, elle allait lui botter les fesses. Il n'avait pas la moindre idée du mal qu'elle s'était donnée pour se trouver une humaine compétente comme Mary!

Sale face de rat puante et galleuse je vais t'arracher les yeux, te les faire bouffer et t'arracher la tête! gronda-t-elle en descendant les marches.

Elle était bien obligée d'avoir une quelconque réaction, puisque Kalingrad l'avait suivit. Elle lui avait interdit à lui de toucher à ses humains, et il était sensé être son allié, alors elle devait bien faire semblant de mal le prendre si ça venait d'Yvan.

Laisse-moi te débarrasser de ce déchet ma chérie... proposa Kalingrad en la rejoignant presque instantanément près du corps de Mary.

Elle repoussa sa main d'une tape sèche. Et puis quoi encore? Yvan avait eu la délicatesse de laisser l'humaine en vie, elle n'allait certainement pas laisser Kalingrad l'achever. Elle était possessive avec ses humains, personne ne pouvait y toucher, et c'était d'autant plus valable pour les bons serviteurs comme Mary. Néanmoins, elle devait reconnaître que ce petit sacrifice avait son utilité en ce qui concernait sa mission. Kalingrad ne douterait plus de Mary. Le seul problème, c'est qu'elle allait être inutilisable pendant quelques temps. La plaie...

Justin! s'égosilla-t-elle.

Je t'offrirai un nouveau serviteur...

La ferme! Je vais le tuer, lentement. Cette lopette va savoir ce que c'est que la souffrance!

Non.

Elle eut un temps d'arrêt. Comment ça... non? Elle pivota sur ses talons, ignorant totalement Mary qui respirait tout juste sur le sol, pour lui lancer un regard à la fois interrogateur et furieux.

Comment ça, non? Tu oses me dire non? Vraiment? Réfléchis à ça, tu as vraiment envie que je t'arracher les yeux à toi?

J'ai besoin de lui pour l'instant. Vivant. Je l'écraserais le moment venu.

Il lui releva le menton du bout des doigts, l'attirant contre lui en pressant son bras libre au creux de sa hanche.

Mais je te le confierais. Considère ça comme un cadeau.

Un cadeau, et en quelle occasion?

Il se pencha pour lui murmurer la réponse à l'oreille. Et bien... il ne manquait pas d'air celui-là. Comme si elle allait se marier avec... ça. Et puis quoi encore...

Kate était une ombre. Invisible, inaudible. C'était la seule partie du manoir Kalingrad qu'elle n'avait pas encore explorée -principalement parce qu'elle n'était pas supposée y mettre les pieds- c'était donc forcément là que Chien cachait son démon.

Elle descendit silencieusement une volée de marche, et atterrit dans un couloir mal éclairé. Ça tombait bien, elle avait justement besoin de disparaître dans l'ombre aujourd'hui. Elle continua à avancer, toujours sans un bruit, jusqu'à la première porte. Elle tendit la main, mais ne l'ouvrit pas. Sûrement piégé. Kalingrad ne s'était probablement pas contenté de déplacer Alouka. Il était crétin, mais pas à ce point. De plus, la serrure était probablement verrouillée.

Elle soupira -la force des habitudes sûrement- et se pencha pour jeter un œil par la serrure. Elle ne voyait pas grand chose, mais elle détermina que ce ne pouvait pas être ça. Elle poursuivit sa route, examinant l'intérieur de chaque porte par le trou des serrures. Si elle ne trouvait rien, c'était tant pis, elle ne prendrait pas le risque de se faire attraper à crocheter des serrures pour les beaux yeux d'Yvan von Dast. Elle se tapait déjà Kalingrad, il ne fallait pas abuser.

Il ne lui restait plus que quatre portes. Si ce n'était pas l'une de ces portes, elle devrait recommencer son exploration minutieuse du manoir, et honnêtement, elle n'avait pas que ça à faire, cette mission trainait déjà en longueur. Elle se pencha, et un mince sourire étira ses lèvres lorsqu'elle aperçut un piédestal soutenant un parchemin. Il y avait sûrement des tonnes et des tonnes de protections dans cette salle, mais ce n'était plus son problème.

Qu'est-ce que tu fais là?

Elle s'était redressée juste avant que cette question ne résonne dans l'étroit couloir en pierre sombre. Et puis la femme à qui appartenait la voix sortit de l'ombre. Oh... mais c'était cette chère... hum... peu importait son prénom. Dans sa tête, Kate l'appelait « celle-qui-torturait-Yvan ». Ou « fille-de-Kalingrad ». Ça dépendait du contexte.

Je me suis... hum... égarée.

Tu n'as pas le droit d'être ici, père te l'a interdit.

Certes reconnut Kate. Mais comme je viens de te le dire à l'instant, je me suis égarée. Je cherchais la bibliothèque. L'un de tes... je crois bien que c'était ton cousin, m'a vaguement indiqué cette direction. Je n'aurai pas dû l'écouter, il avait l'air sous influence.

« Celle-qui-torturait-Yvan » la regarda avec un air soupçonneux. Enfin, ça ne changeait pas grand chose, elle l'avait toujours regardée comme ça. Elle devait lui en vouloir, tout ça parce qu'elle l'avait un peu tabassée...

Je ne suis pas mon père. Tu as peut-être réussi à... t'attirer ses faveurs...

Piètre euphémisme. Kalingrad devenait incroyablement niais ces derniers temps, depuis qu'il était persuadé qu'elle avait accepté sa demande en mariage. Il était désespérément amoureux d'elle. C'était d'ailleurs ennuyeux, elle devait parfois être aussi niaise que lui, et ce n'était pas l'une de ses spécialités.

Mais je me méfierais toujours de toi. Je sais que tu n'es qu'une opportuniste.

Et bien au moins, tu sais à quoi t'en tenir soupira Kate en remontant les escaliers.

Nan mais quelle chiante. Elle ne pouvait pas la tuer, pas sans une bonne raison. Sinon ça aurait fait des histoires avec Chien...

Kate regagna sa chambre, attrapant une de ses partitions au piano. Pas n'importe laquelle, un air qu'elle avait composé. Son professeur de piano l'avait forcée, puisque selon lui, on reconnaissait le talent d'un joueur à son habileté à composer un air. Tu parles...

Elle commença à gribouiller dessus avec une plume, l'air concentré. Et puis elle entendit un pas dans le couloir. A peine quelques secondes plus tard, la porte de sa chambre s'ouvrit sans cérémonie.

Ma fille vient de m'apprendre qu'elle t'a retrouvé dans un endroit où tu n'aurais pas dû te trouver.

Mais quelle sale cafteuse... Maintenant Kalingrad allait être soupçonneux...

Je cherchais la bibliothèque, on m'a mal renseigné, c'est tout. Qu'est-ce que j'y peux si tu as décidé de reléguer tous les livres dans un coin perdu de ton manoir?

Kalingrad s'avança et lui arracha presque la partition qu'elle était en train de gribouiller.

Qu'es-tu en train de faire?

Mary a récupéré ça par erreur. C'est à monsieur poule-mouillé-son-seigneur-von-dast. Je l'arrange un peu avant de la lui rapporter.

Elle le vit examiner avec intention les multiples gribouillages qu'elle avait rajouté sur les notes et les partitions.

Laisse. Je vais le faire.

Oh... il était SI manipulable. C'était évident qu'il ne la laisserait jamais rendre visite à Yvan. Il devait sans doute se méfier encore un peu. Alors il irait, et plus aucun soupçon ne pèserait sur elle. Sinon, elle aurait pu envoyer Mary... mais elle était encore... indisponible.

Kalingrad lui releva le menton fermement et lui plaqua un baiser sur les lèvres.

Je le saluerai pour toi.

Oh, elle n'en doutait pas. Il n'allait sans doute pas manqué cette occasion de se foutre de lui. De son côté, elle espérait qu'Yvan serait assez intelligent pour examiner cette partition à la lumière. Cela pourrait lui révéler des choses intéressantes. Comme... le plan exacte du manoir Kalingrad, avec une jolie croix pour lui indiquer la pièce où se trouvait Alouka.

Yvan n'était pas dupe de l'illusion. Le Prince noir ne s'avança pas pour enlacer l'être qui avait l'apparence de son frère décédé, comme il en avait envie. Il garda autant que possible un regard dur et s'agenouilla, humblement. Il détestait cela, mais quand on invoquait un démon aussi puissant qu'Arioch, il était d'usage d'éviter l'affront.

"Hahahaha, rit Arioch d'une voix délicate. Le célèbre Yvan von Dast ainsi soumis, à moi !"

Il avait beau parler avec la voix d'Ulrick, son ton n'avait rien de semblable. Voilà qui l'aiderait à se souvenir.

"Satan ne t'a pas rejeté, toi. Mais moi, si. Pourtant, tu as besoin de mon aide, dirait-on ? Alors ? De quoi s'agit-il ? Je suis bien curieux de le savoir.
-Seigneur Arioch...
-Chut, chut, chuuuuut !"

En un éclair, Arioch s'était accroupi devant lui et avait posé un doigt sur les lèvres d'Yvan, lui coupant la parole. Autre différence avec Ulrick : son ongle se prolongeait tel une griffe, incurvé et à l'extrémité aussi pointue d'une canine de lait d'enfant vampire.

"Je ne t'ai pas ordonné de parler, demi-frère. Si je puis m'exprimer ainsi. Nous ne sommes que très lointainement liés, toi et moi, mais il me plait de t'appeler mon frère. Alors, appelle-moi aussi ton frère, cela me fera plaisir."

Yvan serra les dents, la mâchoire tremblante. Arioch jouait horriblement avec lui. Mais il attendrait et obéirait, se conformerait aux ordres du démon. Il n'avait pas d'autre choix.
Là-dessus, Arioch fit une chose à laquelle Yvan ne s'attendait pas. Il avait lu beaucoup sur le sujet, mais jamais il n'aurait pu anticiper une telle chose. Le démon l'embrassa, fourrant machinalement sa langue entre ses dents. Surpris, Yvan ne pense pas à se dégager tout de suite et lorsqu'il le fit, Arioch avait déjà reculé son visage. Il se léchait les lèvres avec délice, l’œil brillant de malice. Après s'être relevé, le démon ordonna :

"Relève-toi et raconte-moi tout, mon frère."

Yvan obéit, soulagé de ne plus être ainsi courbé mais pas plus rassuré. Il commençait à regretter, au fond de lui, d'avoir fait appel à Arioch. Sa volonté même de s'emparer du pouvoir et de reprendre Gothik City au nom des Von Dast se mettait à flancher. Ainsi, c'était là le grand pouvoir d'Arioch. Insuffler le doute dans les esprits les plus forts et les plus déterminés.
Le Prince noir ouvrit la bouche pour parler quand un grand fracas résonna au rez-de-chaussée. Yvan se rua hors de la salle de musique, sans plus prêter d'attention à Arioch. On avait pénétré impunément sa demeure.

Yvan reconnut l'odeur avant d'arriver à la rambarde. Ajustant ses lunettes, il vit que son nez ne l'avait pas trompé. Chien Kalingrad était là, en bas. Et il le regardait, méchamment. Yvan lui rendit le même air et l'apostropha :

"Qu'es-tu venu chercher, à part la douleur ?
-Rien de particulier. Sinon ton humiliation, si seulement j'ai la moindre chance de la déclencher. Cela dit, je suis surtout venu te rendre quelque chose. Une partition."

Yvan fronça plus fort les sourcils. Il était étrange que Chien lui rapporte son bien. Y'avait-il un message caché ? Kate avait-elle été découverte ?

"Je descends," prévint-il d'une voix très loin de l'amabilité.

Afin d'emprunter les escaliers, il devait disparaitre quelques temps dans les ombres du couloir. Arioch en profita pour surgir devant lui et lui ôter ses lunettes, qu'il essaya. Yvan eut l'envie terrible de lui arracher le sourire d'Ulrick qui collait aux lèvres du démon alors que ce dernier s'amusait.

"Ouhlala, tu as vraiment été endommagé. Tiens, reprends-les. Veux-tu que je tues cet insecte ?"

Arioch replaça lui même les lunettes d'Yvan sur le nez de son propriétaire et lui fit un sourire indulgent. Le prince déclina son offre d'un mouvement de la main.

"Non, je peux m'en débarrasser tout seul. Il y a un piège là dessous et je veux savoir ce qu'il en est avant tout. Et puis, on ne peut s'attaquer à Chien Kalingrad tout simplement. Pour le moment."

Arioch leva la tête, ses yeux verts brillant d'une soudaine compréhension. Il s'effaça légèrement pour laisser passer Yvan, qui se hâta de rejoindre le rez-de-chaussée.
Quand il fut au bas des escaliers, il s'arrêta, préférant garder une bonne distance avec Kalingrad. Ce dernier lança le rouleau de papier dans les airs, que le prince attrapa au vol. Jetant des petits coups d’œil à Chien, il déroula la partition et son visage se décomposa.

"Et oui, nous l'avons quelque peu arrangée. J'espère qu'elle te plait ainsi."

Chien ricanait. Quel imbécile. Kate s'était encore joué de lui en beauté.
Yvan mima la rage, fulminant faussement. Il roula de nouveau la partition et la tint dans son poing serré. Puis, d'un index tremblant, il désigna la porte dans le dos de Kalingrad.

"Sors d'ici !"

Malgré l'attitude hilare de Chien, Yvan décela la peur dans son regard, une pointe de nervosité dans son rire. Oui, Kalingrad avait peur de la colère du prince. Aussi, il fila sans demander son reste, tentant d'être un minimum majestueux. Stupide créature.

"Insecte."

Yvan se retourna vers la moquerie soufflée à son oreille, mais il n'y avait personne. Il entendit les portes se refermer sur son ennemi et se précipita dans le salon. Il avait à faire.

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Kalingrad était terrifié. Ce regard, cette fureur, cette aura qui émanait d'Yvan von Dast. Il espérait ne pas avoir sous estimé l'ennemi et sur estimé la protection que lui fournissait Alouka.
Une fois dans l'allée, il frissonna et resserra sa cape autour de ses épaules. Il sentait qu'on l'épiait. Levant la tête, il vit une silhouette par la vitre du premier étage. Et là, la terreur que lui avait inspiré Yvan von Dast s'était toute entière effacée, remplacée par une autre bien pis encore. Il fuit, courant à grandes enjambées.
Qui habitait donc ce château ? Quelle créature ? Ce sourire si cruel, plein de puissance. Il s'était senti comme un vulgaire insecte pris au piège d'une terrible araignée. Et ce n'était pas mort pure et simple qu'il avait senti venir. Mais la plus cruelle des tortures. Le jeu d'un enfant.

Kate ne pouvait pas s'empêcher de penser à la partition qu'elle avait proprement massacré. Non pas qu'elle y tenait particulièrement pour une raison quelconque. Elle avait juste l'impression de donner un peu trop de sa personne. En plus, c'était fou ce qu'elle s'emmerdait dans le manoir Kalingrad. La drogue, ce n'était pas son truc, elle ne pouvait se faire que Kalingrad, qui était l'amant le plus pitoyable qu'elle ait jamais eu, il n'avait pas un seul livre décent dans sa bibliothèque, et son piano était... d'une qualité exécrable. Et encore, elle pesait ses mots.

Il ne lui restait donc plus qu'une seule activité possible. La torture. Enfin, quand elle disait torture... Les Kalingrad avaient vraiment des moeurs bizarres. Tout un groupe d'entre eux avaient fondés un espèce de club, qui consistait à se torturer les uns les autres. Kate aimait bien participer, du côté des bourreaux. Ça l'occupait. Et ça lui rappelait aussi sa secte.

Et puis elle entendit Kalingrad franchir les portes de sa demeure. Il était déjà de retour? Elle rejoignit le hall. Dès qu'elle le vit, elle la sentit. Il transpirait la peur. Enfin... quand elle disait transpirer, c'était une façon de parler. En tout cas, c'était un avantage d'être psychopathe et de n'avoir aucun sentiment parfois. Parce qu'en l'occurrence, elle aurait eu beaucoup de mal à retenir un sourire jubilatoire. Mais ça avait aussi un inconvénient. Par exemple, elle devait se forcer à paraître inquiète.

Elle descendit les marches à la volée, comme dans les contes mièvres pour enfant où l'héroïne court au ralenti pour retrouver son prince.

Que s'est-il passé?

Il l'attrapa par la gorge. Diable, mais il était dans un état pire que la panique. A ce niveau-là, c'était presque de l'hystérie. Cela ne pouvait vouloir dire qu'une chose. Arioch était entré dans la partie. Elle avait hâte de le rencontrer.

Qu'a-t-il fait! Qu'avait-il prévu de faire avant que tu ne viennes ici!

Comment veux-tu que je le sache! répliqua-t-elle.

Avait-il prévu d'invoquer un démon!

Aouch. Il était peut-être un tout petit peu plus futé que prévu. Elle se dégagea sèchement.

Qu'est-ce que tu crois? Qu'il a la puissance nécessaire pour... invoquer un démon?

Elle lâcha un ricanement moqueur, savamment étudié.

Nous sommes en train de parler du dernier des von Dast. La puissance de cette famille s'est éteinte bien avant ta naissance. Il n'est rien d'autre que du bluff. Tu m'as promis qu'il serait à moi pour notre mariage. Tu ferais mieux de te concentrer sur ce point si tu veux me garder lâcha-t-elle d'un ton glacial.

Elle fit demi-tour, les pans de la robe hors de prix qu'il lui avait offerte flottant autour d'elle, et elle regagna sa chambre d'un pas impérial. Si elle avait été un vampire normal, avec des sentiments et tout ça, elle aurait bien sautillé de joie jusqu'à sa chambre. Sa mission allait bientôt se terminer. Si ça, ce n'était pas une bonne nouvelle...

Il ne s'était pas passé plus de quelques heures depuis le départ de Kalingrad. Yvan devait agir vite, ne pouvant laisser à l'ennemi le loisir de réfléchir et de préparer ses défenses. Il avait tout ce qu'il lui fallait pour anéantir l'embryon de pouvoir de Chien, le mettre à ses ordres. Car il était bien entendu hors de question qu'il le tue. Non, il devait le soumettre.

Le Prince noir donnait presque l'impression de flotter alors qu'il courait dans les rues de la vieille cité, tout recouvert d'une cape sombre aux pans ondulant. Il faisait des ombres ses amies, elles semblaient s'accrocher à lui comme autant d'admiratrices de son charisme époustouflant.
Pour toute arme, il avait une dague à la lame recourbée et la pointe acérée, à double tranchant, glissé dans un fourreau ouvragé à sa taille. La poignée était d'argent ciselé, dessinant une spirale légèrement bombée au centre, permettant une parfaite prise en main.
Yvan ralentit à quelques mètres du manoir Kalingrad et épia les gardes. Ils étaient peu. Chien restait trop sûr de son pouvoir et sa famille trop portée sur les jeux. Le prince n'eut aucun mal à se faufiler dans le domaine, puisqu'il avait en prime de ses facultés naturelles et de son expérience militaire, le plan que lui rapporté Kate. Elle avait fait un excellent travail, dosant parfaitement l'intelligence de Chien et celle du prince. Il avait compris du premier coup d’œil, son adversaire avait eu l'esprit trop embrumé par sa supériorité. Cette dernière était réelle. Mais peu solide. Yvan se chargerait de tout détruire. Cette nuit.

Le vampire s'infiltra dans une sorte de garde-manger, où pourrissaient des corps humains oubliés. Cessant de respirer, il traversa furtivement la salle dallée et se retrouva dans un couloir faiblement éclairé. Se repérant immédiatement, il prit la direction des étages. Avant toute chose, il devait récupérer sa faux.

Il trouva rapidement les appartements de Chien, qu'il trouva vides. Se glissant dans la chambre à proprement parler, son regard fut immédiatement attiré par Quarter Moon, suspendue au-dessus du lit. Serrant les dents en un sourire tordu, Yvan laissa filtrer une insulte en chuchotis. Puis, en un bond, il rejoignit les oreilles et tendit la main. C'était presque un rituel sacré. Pourtant il ne prit pas le temps d'un rituel sacré. Le prince referma ses doigts sur son arme et l'arracha du mur d'un coup sec.

"TOI !"

Il se retourna, maudissant son imprudence. Trop absorbé par les retrouvailles, Yvan en avait oublié de prêter attention aux mouvements extérieurs. Cependant, son sentiment de stupidité s'effaça vite en voyant l'effarement sur le visage de Kalingrad. Il avait retrouvé sa faux.

Sans laisser le temps à son adversaire de réagir, Yvan s'élança sur lui, cherchant à lui couper un bras. Il le voulait vivant et opérationnel en tant que noble. Un manchot ne le contrarierait pas. Mais Chien esquiva avec une agilité qui le surpris. Le tapis glissa alors sous ses pieds, tiré par Kalingrad. Yvan bascula en arrière et atterrit sur le dos, il utilisa immédiatement son élan pour rouler en arrière et se remettre sur pieds. Mais il était toujours accroupi qu'un poignard se planta dans son épaule. Il cria de douleur autant que de surprise et dut subir l'assaut de Kalingrad. Ce dernier le fit à nouveau tomber par terre et l'écrasa de son poids, le bloquant avec ses genoux. Yvan brandit sa faux à l'horizontal et para le tranchant du poignard, qui venait d'être arraché de son épaule pour, sans doute, servir à taillader son visage. La lame s'enfonça dans le bois et Chien ne put retirer son arme. Yvan en profita pour, d'une brusque poussée, frapper le menton du vampire avec le bâton. Un autre coup le dégagea de Kalingrad et il put enfin se remettre debout. Le prince retira le poignard de sa faux et le projeta à travers la pièce. Un outil inutile.

"ALOUKA ! VIENS A MOI ! SELON NOTRE CONTRAT ET NOS ACCORDS, TUE L'INTRUS ET PROTEGE TON SERVITEUR !"


Yvan lui aurait bien coupé la langue, mais trop tard. L'injonction était lancée. Une brume compacte s'étala progressivement dans la chambre. Yvan recula afin de ne pas subir de coup en traitre de Kalingrad. Lorsque le brouillard se dissipa, il dévoila une femme, nue, à la peau pâle mais irradiante de rouge sang. De longs cheveux d'or bouclés tombaient en cascade sur ses épaules et une paire d'ailes s'étendait dans son dos. Des ailes dont il ne restait plus qu'une carcasse carbonisée.
Alouka fit un pas vers le prince et resta à le contempler, le toisant de ses yeux complètement rouges. Une langue rose passa sur les lèvres charnues et violettes, comme prises par une pourriture immonde. Le prince frissonna.

"Ahahah ! exultait Kalingrad, couché plus loin, le menton rouge de son propre sang. Tu ne peux déjà plus rien faire face à une telle beauté, effrayante et pleine de puissance. Pauvre Von Dast ! Votre cerveau est aussi pitoyable que votre lignée ! Ahahah !"

C'était vrai, Alouka était puissante et effrayante. Mais Yvan avait vécu bien pire. Il avait un allié bien plus terrifiant. Un allié qui pouvait pétrifier de terreur son propre camp. Mais Arioch était aussi infidèle qu'un chat. Il agissait à sa volonté, selon ses propres intérêts, aussi obscures soient ils. Il n'était pas Alouka le pantin. Aussi, Yvan n'eut aucun mal à se reprendre.

"Voilà qui devrait te faire de l'effet, démoniaque déesse !" clama Yvan.

Alouka souleva un fin sourcil plein de doute. Doute qui s'envola lorsqu'elle vit briller la dague. Yvan décela même une légère trace de peur dans son regard. Elle reconnaissait l'arme.

"Arioch..." siffla-t-elle. "Il tient Arioch !"

Kalingrad blêmit. En théorie, au vu de sa nature, c'était chose impossible. Pourtant, il blêmit bel et bien.

"Exact. Arioch est matérialisé dans mon poing. Prépare-toi à mourir Alouka !
-Pff ! Arioch est manipulateur, mais tu ne me tueras pas avec ça."

Yvan s'élança et, d'un geste vif, trancha le ventre du démon. Alouka le repoussa de la paume de sa main et le vampire traversa toute la chambre en volant, avant d'atterrir dans une armoire après avoir transpercé la porte de son corps. Surgissant des débris, le pas mal assuré, il ajouta cependant :

"Mais je peux au moins te blesser."

La blessure d'Alouka se referma alors sous ses yeux, du sang luisant formait de petites tâches de lumière sur le tapis. La démone sourit.

"On dirait que le pouvoir d'Arioch s'est affaibli. Je vais te manger, Von Dast."

L'ennui. A la connaissance de Kate, il n'y avait rien de pire. Elle n'aimait pas n'avoir rien à faire. Elle serait bien sortie pour chasser, mais Kalingrad n'aimait pas qu'elle sorte seule, et elle, elle n'aimait pas chasser en meute. Après, il fallait partager la proie.

Elle s'approcha de la fenêtre pour examiner sa coiffure d'un œil critique. Ses boucles brunes encadraient son visage. Elle ressemblait à une parfaite noble gothique avec cette tête. Cela ne lui plaisait pas. Mais Kalingrad aimait qu'elle ait cette coiffure, et comme il était plus facile de s'attirer ses faveurs en faisant tout pour lui plaire... Elle repoussa une mèche de cheveux, mais interrompit son geste. Il lui semblait avoir vu... mais elle n'était pas sûre. Cependant cette ombre ressemblait furieusement à celle d'Yvan.

Tu ne perds pas de temps toi hein... murmura-t-elle pour elle-même.

Elle fit demi-tour. Mais se figea aussitôt. Elle ne devait pas commettre d'impair. Rejoindre Yvan trop tôt pouvait s'avérer catastrophique. Si son plan ne se déroulait pas comme prévu? Il lui fallait une porte de sortie. Et donc dans ce cas elle devait garder sa couverture encore quelques temps. Elle n'avait pas la prétention de le connaître parfaitement, mais à son avis, Yvan se précipiterait sur sa faux avant de s'en prendre à Alouka. Et donc il irait dans la chambre de Kalingrad. Sacrément risqué comme plan.

Elle tendit l'oreille. La chambre de Chien était toute proche, si elle se concentrait suffisamment, elle pourrait entendre ce qui s'y passait. Et intervenir le cas échéant. Elle entendit Kalingrad rugir, puis des bruits de lutte, mais c'était encore trop tôt pour agir. Elle éveillerait les soupçons. Et puis... Yvan devait être à la hauteur de sa réputation, et pouvoir se débrouiller face à Kalingrad.

Elle eut un sourire feint en entendant Chien en appeler à Alouka. Il devait suer de peur pour l'appeler aussi vite. Donc Yvan devait avoir le dessus. Maintenant, il y avait deux options. Soit il avait réussi à invoquer Arioch, et donc c'en était fini de cette petite mascarade. Soit il n'avait pas réussi et il avait... perdu. C'était étrange, mais dans son esprit, la défaite ne collait pas avec Yvan. Dans tous les cas, il était temps pour elle d'intervenir.

Elle entendait encore des bruits de luttes provenir de la chambre de Kalingrad. La moitié de la pièce allait sans doute devoir être reconstruite. Elle avait bien saccagé sa bibliothèque lors de sa fausse altercation avec Yvan après tout. Mais cela ne la poussa pas à se presser.

Elle atteignit la porte de la chambre. Kalingrad était sur le sol, en sang. Yvan avait défoncé l'armoire en y atterrissant plutôt violemment,et une femme aux ailes squelettiques et au corps à moitié pourrisant le surplomber, comme si elle savourait les dernières secondes qu'elle s'accordait avant de l'attaquer.

Chien? demanda-t-elle calmement. Je ne ferais pas ça si j'étais toi.

Elle fit glisser ses yeux bleus et sans émotion d'Yvan, à Kalingrad.

Je te rappelle que nous avions un accord. Il est sensé être mon cadeau de mariage, et je tiens à pouvoir profiter de lui avant que ta... démone ne le tue.

Elle soutint le regard de Chien, comme si elle le défiait de rejeter sa demande. Les secondes s'étirèrent, Alouka était toujours présente. Puis Kalingrad se remit debout.

Nous ne sommes pas mariés.

Dans ce cas, prépare la cérémonie pendant que je m'occupe un peu avec lui en salle de torture répliqua Kate. J'ai un compte à régler avec lui.

De nouveau l'attente. Elle qui le pensait suffisamment attaché à elle pour tout lui accorder les yeux fermés... Mais elle vit l'expression de son visage changer, très légèrement.

D'accord. Tu l'auras. Je vais te le faire porter en salle de torture.

Merci.

Ainsi donc, le grand Yvan, dernier des von Dast, était relégué au rang de meuble qu'on déplaçait d'une salle à l'autre. Pensée amusante.

Je sens que je vais bien m'amuser. Rien de sexuel, rassure-toi. Enfin... sauf si le castrage rentre dans cette catégorie...

Elle vit un sourire étirer ses lèvres. Il gobait réellement tout ce qu'elle disait? Diable... quelle... naïveté...

Des Kalingrad surgirent quelques secondes plus tard dans la chambre pour ramasser Yvan et l'emmener dans sa salle préférée. Bon... Maintenant, il s'agissait de se sortir de ce merdier...

Kate suivit négligemment Yvan, à quelques pas de son escorte. Il aurait pu mieux jouer la comédie... Elle lui pardonnait, mais c'était bien la dernière fois... Elle se posta dans un coin de la salle de torture pendant qu'Yvan était délicatement posé sur le sol. Elle fit signe à ses petits compagnons de s'en aller d'un signe de la main, puis elle claqua la porte derrière le dernier d'entre eux d'un geste de la main.

Yvan se releva d'un bond et alla s'asseoir sur la table

Ainsi, tu es promise à Kalingrad ? Je vous souhaite d'avoir de beaux enfants.

Oh la ferme grommela Kate, commençant à marcher de long en large. Essaie plutôt de gueuler comme une fille, que ça fasse vrai. Si tu ne te sens pas de le faire, je peux aussi te torturer pour de vrai.

Elle leva les yeux au ciel en entendant des pas précipités dans le couloir. Allons bon, elle ne pouvait même pas s'amuser à torturer pour de faux Yvan von Dast. La vie était... tellement injuste. Et puis la porte claqua avec force contre le mur lorsque Kalingrad l'ouvrit avec fracas. La dague dont il avait délesté Yvan atterrit auprès de son propriétaire légitime pendant que Kalingrad fulminait. Ensuite il attrapa Yvan par le col et le secoua comme s'il était un arbre dont il espérait faire tomber les fruits. Et puis sa phrase suivante la fit réagir.

Eh! Il est à moi, t'entends? Je n'ai certes pas encore scarifier mon nom sur ses fesses mais ce n'est qu'une question de temps.

Et puis les rôles s'inversèrent. En deux phrases, Kalingrad comprit. Oh, visiblement, il en avait mal à l'égo... songea-t-elle en voyant le regard qu'il lui lança. En même temps, ce n'était pas avec de si piètres performances sexuelles qu'il allait pouvoir la garder, il y avait des limites à tout.

Désolée s'excusa-t-elle faussement, observant ses ongles.

ALOUKAAAAAAAAAAAAAAA ! Tues la traitresse !

Elle releva la tête. Comment était-elle supposée se débrouiller face à un démon? Un démon moche en plus. Non pas que la mocheté changea quoique ce soit à l'affaire... Du coin de l'œil, elle vit la dague voler vers elle, elle l'attrapa vivement se mettant aussitôt en garde. Et en plus, histoire de compliquer encore la situation, elle était en robe. Elle détestait les robes. C'était drôle à enlever. Mais sinon...

Alouka... Ravie de te rencontrer, je t'assure.

La démone s'avança vers elle, elle recula d'autant. Elle était psychopathe. Le frisson qu'elle avait à chaque fois qu'elle frôlait la mort était à peu près la seule chose qu'elle était capable de ressentir. Mais elle n'était pas non plus suicidaire. Sans compter qu'il irradiait quelque chose de la démone à la chevelure d'or et aux yeux rouges, bien qu'elle ne sut pas exactement quoi.

Tu sais... tu as l'air sacrément pourrie avec ta peau toute violette.

Elle évita de justesse l'attaque que lui asséna son adversaire avec une rapidité surprenante. Elle riposta, plantant sèchement son couteau là où elle put. Dans les côtes donc. Elle récupéra son arme et recula d'un bond, évitant une nouvelle attaque. Et puis elle se prit un coup violent en plein visage qui la fit traverser la pièce et percuter violemment le mur avec son dos. Elle se releva, essuyant le coin de sa bouche ensanglantée. Elle devait même avoir une ou deux côtes de cassées. Et elle avait accessoirement perdu son arme.

Elle se releva et plongea sur le poignard. Elle roula sur le dos et se leva d'un bond. Rester en vie n'était peut-être pas si simple. Et puis Alouka se jeta sur elle, la plaquant au sol. Elle se débattit, et sentit les doigts de la démone s'enfoncer entre ses côtes. Elle ne cria pas, serra les mâchoires. Même lorsqu'elle sentit les doigts de la démone fouiller dans sa chair, un simple gémissement sortie de ses lèvres. Son arme était tombée sur le sol, à côté d'elle. Ignorant la douleur, elle tendit le bras, attrapa comme elle put le manche du poignard, et elle lui planta la lame dans la tempe. Elle força jusqu'à ce qu'elle soit profondément enfoncée, jusqu'à la garde. Contrairement à elle, Alouka poussa un hurlement suraigu. Elle repoussa son adversaire sur le côté, mais fut incapable de se redresser tant le douleur la clouait au sol. Elle releva la tête. Elle avait un trou béant dans l'abdomen. Et... ce truc mou, par terre, ce ne serait pas... son rein gauche par hasard? Ce n'était pas comme si elle en avait besoin. Mais elle aimait assez l'idée que ces organes restent à l'intérieur de son corps.

Elle récupéra son arme dans le crâne d'Alouka avant qu'elle ne le fasse elle-même et qu'elle ne se retrouve désarmée de nouveau. Elle se hissa à quatre pattes, et n'eut pas le temps de se redresser plus qu'Alouka l'envoie de nouveau valser d'un geste du bras. Kate percuta quelque chose, mais ce n'était pas un mur. Allons bon... lequel des deux avait-elle percuter?

Dès le moment où la dague quitta ses doigts, Yvan se désintéressa totalement de Kate. Qu'elle vive ou non lui importait peu en fin de compte. Kate était un outil. Toujours plus utile en un seul morceau, mais ça ne valait pas des larmes en cas de perte. Il avait bien plus de considération pour sa faux.
Chien était un Kalingrad, mais doué en combat. Yvan était affaibli, juste assez pour se prendre des coups. De plus, son adversaire avait la rage. Il ne supportait qu difficilement d'avoir été trompé visiblement. Yvan allait pouvoir jouer là dessus.

Les deux combattants reculèrent peu à peu dans le fond de la salle, emportés par leurs coups. Yvan comme Chien roulaient sur le sol à intervalles réguliers. Le prince noir finit par être arrêté dos au mur. Quand son adversaire se jeta sur lui, toutes griffes dehors, il anticipa et attrapa les poignets de Kalingrad. Ce dernier s'en trouva surpris et montra les dents, désirant sans doute dissuader Yvan de lui donner un coup de tête. Mais ce n'était pas ce qu'avait prévu le Von Dast.
Avec un sourire des plus cruels, celui-ci entama les hostilités :

"Cette dague... Je l'ai bien eue des mains d'Arioch.
-Comment ? COMMENT ? Un démon doit être invoqué pour...
La solution réussit à se frayer un chemin dans le cerveau de Kalingrad, qui écarquilla les yeux de frayeur.
-Arioch... Arioch est dans ce plan ?
-Effrayant, n'est ce pas ?
-Mais... LUI ! C'était lui n'est ce pas ?! Dans le château !
-Exact. Et tu dois bien te douter que je ne l'ai pas invoqué pour qu'il se contente de me donner une arme de défense. Il est là pour détruire ta petite influence. Définitivement."

Kalingrad ne dit plus rien. Il essaya de se dégager, le visage décomposé. Mais Yvan le tenait bien trop fermement. D'une poussée, il le précipita contre le mur, lâcha un de ses bras et lui flanqua son poing dans la mâchoire. Suivi d'un autre, et encore un autre. Kalingrad s'effondra, pas encore tout à fait. Yvan le toisait, le dominait de toute sa hauteur.

"Il est... Il est i..."

Un coup de pied dans le nez acheva de lui faire perdre connaissance. Yvan se retourna vers la démone Alouka, qui malmenait Kate. il rugit tout haut :

"ARIOCH ! Cesse de t'amuser !"

Un rire empli la pièce, comme un écho, très amplifié. Et puis, Alouka disparu. Il n'y eut pas de cri, pas d'agonie. Elle se contenta de s'effacer, sans un fondu. Plus rien ne la rattachait à ce plan.
Yvan s'approcha de Kate, mal en point, mais elle se remettrait, jugea-t-il. Une silhouette fine se glissa alors par la porte. Le prince y jeta un coup d’œil. Derrière le magnifique jeune homme tout vêtu de noir et le port encore plus fier qu'Yvan, on devinait des cadavres en train de pourrir, rattrapés par le temps.

"Arioch..." murmura Yvan dans une sorte de salut.

Mais le démon se désintéressa de prince noir pour Kate. Il souriait bien agréablement. Et puis, son regard sombre balaya la pièce, s'arrêtant sur la table où Yvan avait jadis été torturé.

"Mmmm... Je ne serai pas contre un petit divertissement pour me récompenser de mes efforts."

Kate se releva, presque dégoûtée. Elle avait atterrit sur Kalingrad. Beurk... Elle épousseta et lissa les plis de sa robe tâchée de sang, jugeant d'un œil critique le trou qu'elle avait dans le ventre.

Tu me dois un rein. Arrache-le à qui tu voudras... lâcha-t-elle à l'intention d'Yvan.

Et puis elle sembla enfin réaliser que la pièce était vide. Plus d'Alouka. Hum... moui, elle n'avait quand même pas... juste disparu ? Le murmure que lâcha Yvan la fit changer d'avis, et elle pivota pour se retourner. Peut-être que si en fait.

Alors... c'est lui... Arioch ? se renseigna-t-elle tout haut en s'avançant vers lui. Je ne vous imaginais pas comme... ça.

Elle soutint le regard qu'il lui adressa, juste avant qu'il ne balaie la pièce. Il ne lui faisait pas peur. Elle ne savait pas ce que c'était de toute façon. Mais pour la première fois de sa vie, elle eut presque l'impression de ressentir quelque chose. Une sorte de... respect. Un léger frémissement qui lui passa le long de la colonne vertébrale.

Mmmm... Je ne serai pas contre un petit divertissement pour me récompenser de mes efforts.

Et quel genre de divertissement vous conviendraient ? Si vous aimez la torture, il doit rester un ou deux Kalingrad vivants dans le coin... suggéra-t-elle.

Elle ne put ignorer la pointe de douleur qui la cueillit dans les côtes, et de nouveau, elle examina froidement sa blessure. Rien qui ne pouvait la tuer, mais il aurait été appréciable de guérir cela. Il lui fallait un truc à bouffer.

Mon prince noir préféré a autre chose à faire ici ? s'enquit-elle avec un soupir appuyé. J'ai besoin de changer d'air...

La réponse d'Arioch l'a déçu quelque peu. Si tant est qu'elle pouvait ressentir la déception. Mais dans sa tête, torturer des Kalingrad, c'était faire payer à Chien toutes les mauvaises nuits de baise qu'il lui avait imposé.

Elle remarqua le coup d'œil qu'il lança à Yvan, mais ne dit rien. Visiblement, Arioch était joueur. Et... moins visiblement cela ne plaisait pas à Yvan. Moins visiblement, puisque ce type était aussi expressif qu'une porte.

Détends-toi mon chou murmura-t-elle en réponse à sa remarque sèche.

Elle rejoignit sa propre chambre pendant qu'Yvan allait probablement récupéré son bien. Elle, elle voulait juste abandonner cette robe horriblement inconfortable pour ses tenues habituelles. Si elle avait eu le temps, elle se serait même lisser les cheveux tiens. Mais elle n'avait pas le temps. alors elle passa juste le premier short et le premier haut qui lui passa sous la main, et enfila son manteau par-dessus. Ses affaires furent rapidement fourrées dans un sac qu'elle hissa sur son épaule. Ensuite, elle alla rejoindre démon et vampire.

Pendant le trajet dans le couloir, elle farfouilla dans ses poches, et y dénicha un paquet de cigarette entamé à moitié écrasé. Elle en porta une à sa bouche, et l'alluma au moment où elle atteignit la porte de la chambre de Chien.

Les deux hommes de ma vie sont prêt ? demanda-t-elle avec un immense sourire factice en tirant une bouffée de sa cigarette. Je pense réellement commettre un massacre si on reste précisa-t-elle avant de pivoter pour s'éloigner sans les attendre.