L'homme courait, en serrant une petite boite contre son cœur. Elle avait l'air précieuse. Il s'imaginait déjà ce qu'elle pouvait contenir. De la thune, de la drogue... fin... un truc cool et précieux ! Trempé par la pluie qui tombait en trombe, l'homme bifurqua dans une ruelle sombre et étroite, marchant au passage dans une flaque d'eau qui l'éclaboussa jusqu'au-dessus du genou. Il s'appuya contre le mur, sous un espèce de auvent, et reprit son souffle, levant la boite à hauteur de ces yeux. Il aimait bien piquer des boites, et se faire des films sur ce qu'il pouvait y avoir dedans. Et il aimait bien se faire des petits suspenses genre « je l'ouvre, nan attends, encore deux minutes que je fantasme encore ! ». Bon, il en avait marre là quand même. Il pleuvait, il se gelait les miches dans cette rue, et il avait la dalle. Mais il ouvrit quand même la boîte avec une lenteur mesurée.

C'est quoi ce truc ?marmonna-t-il en sortant l'objet en question de la boite.

Ça, c'est ma dernière lime à ongle lui répondit une voix féminine.

Il eut le temps de relever la tête, et de regarder devant lui. Mais il n'y avait rien. Enfin... jusqu'à ce qu'une main pâle comme un cadavre ne surgisse de l'ombre et ne l'attrape à la gorge. Surpris, il lâcha la boîte qui s'écrasa bruyamment sur le pavé, ainsi que la lime à ongle. Qu'une autre main à la peau d'albâtre rattrapa prestement. Putain de merde, il venait de voler un vampire. Ça puait. Il n'avait aucune envie de finir sa vie comme casse-croûte.

Euh... pardon, je voulais pas...


Ta gueule coupa la jeune femme.

Elle secoua la tête pour repousser la capuche de son manteau noir en arrière. Elle adorait ce genre de truc. Se laisser piquer ses affaires par des voleurs et les courser ensuite. Ça mettait un peu d'animation dans sa vie. Et la bouffe était toujours meilleure après une petite course. M'enfin, y avait des limites quoi. Fallait pas lui piquer sa boite de limes à ongle, surtout quand il ne lui en restait qu'une, et qu'en plus, elle avait un ongle mal taillée. Elle planta ses yeux bleus dans le regard de l'homme. Ça aussi, elle adorait. Leur faire faire chier dans leur froc à cause de la peur.

Je vais t'expliquer pourquoi c'est suicidaire de me piquer des trucs. Même si je fais un peu exprès de me laisser dévaliser... Tu sais qui je suis ?

N...Non bafouilla l'homme. S'il-vous-plait, me tuez pas.

Oh, tiens, de la sueur recouvrait son front. Et sa respiration s'était accélérée. Sa voix tremblait, son regard n'osait pas supporter le sien. En une quinzaine de mots et en un regard, elle l'avait mené à un stade avancé de trouille. Putain, elle était douée. Et le mieux dans tout ça, c'est qu'elle savait parfaitement comment le faire passer au niveau suivant. Couramment connu sous le nom de « Je me suis pissé dessus ».


Quand j'étais petite commença-t-elle en faisant tourner sa dernière lime à ongle, son trésor personnel du moment, entre ses doigts blancs,
mon père m'appelait « La main du Diable ». C'était pas un reproche, dans sa bouche, c'était un compliment. Parce que je suis gauchère. Je pense que c'est pour ça que j'étais sa fille préférée. Maintenant, quand on te parle de « main du Diable », tu penses plus à... meurtre sanglant. Voir massacre.

Oh putain oh putain oh putain jura le jeune homme dans son esprit. Il avait entendu parler de ce type. Enfin de cette fille. Et franchement, elle ressemblait plus à une histoire pour faire flipper les gosses. D'ailleurs, ça l'avait pas mal fait flipper lui-même quand il avait entendu ça. Et il avait fait plus ou moins semblant de rire avec ses potes, histoire de pas passer pour une lavette. Il frémit lorsque la lime à ongle frôla sa joue. Puis il vit les canines de la vampire briller dans la nuit lorsqu'elle esquissa un sourire.

Pitié, me tuez pas...


Oh, t'inquiète, j'vais pas te sucer, j'ai pas faim. Nan, je souris parce que tu viens de te pisser dessus

… Effectivement. Maintenant qu'il venait d'en prendre conscience, il sentait bien que son pantalon était trempé par autre chose que la pluie. Et ça schlingait.


Par contre... j'vais quand même te tuer.

La pointe de la lime à ongle se posa sur la cage thoracique de l'homme, et d'un geste sec, la vampire l'enfonça sur plusieurs centimètres dans sa poitrine, le faisant hurler de douleur.


Là, tu vois, je n'ai touché aucun organe vital. Si j'enlevais ma lime à ongle maintenant, tu pourrais tout à fait vivre. Enfin... t'aurais un trou dans la poitrine. Mais c'est secondaire hein...

Et maintenant voilà qu'il chialait comme un gosse. Elle approcha son visage de celui du jeune homme pour voir de plus près. C'était fascinant. Franchement, comment faisait-il pour faire sortir de l'eau de ses yeux comme ça ? Elle, elle devait se forcer un peu. Il lui arrivait même de tricher, quelque fois.

Pitié hoqueta encore l'homme. Je ferai tout ce que vous voudrez, je...

La fin de sa phrase se perdit dans un gargouillis de douleur. D'un geste précis, Kate venait de déplacer la lime à ongle de plusieurs centimètres sur le côté. Et elle avait eu la satisfaction de sentir la chair céder au passage de son arme improvisée.


Et ça, c'était ta veine cave supérieure. Maintenant, le sang qui converge de ton corps vers ton système cardio-vasculaire va se déverser. Et tu vas te noyer dans ton propre sang.

De nouveau, la lime à ongle bougea, découpant chair et artère. Et la vampire précisa :


Là, c'était ton aorte, c'est assez utile aussi, pour le transport du sang... Enfin... Tu auras eu le privilège de mieux connaître ton corps avant de mourir, c'est toujours ça.

Elle lâcha le cou du jeune homme, tout en retirant sa lime à ongle de sa poitrine. Celui-ci s'effondra sur le sol. Elle savait pertinemment qu'il était mort avant d'avoir heurté le pavé. Alors elle ne s'emmerda pas à vérifier. Par contre, elle ramassa sa boîte de lime à ongle, elle s'était fait chier à en trouver une belle, elle n'allait pas la laisser là. Puis elle voulut ranger son ultime lime à ongle à l'intérieur. Et elle se rendit compte qu'elle était couverte de sang. Elle venait de niquer sa dernière lime à ongle.


Oh... Kate... Tu manques parfois singulièrement de bon sens soupira-t-elle.

Elle se débarrassa de la lime sur le sol, tout en rangeant la boîte dans une poche intérieure, avec un ou deux autres objets qui tintèrent lorsqu'elle écarta un pan de son manteau. Bah, c'était pas si grave. Elle avait senti que quelqu'un l'avait observé pendant toute la durée de sa petite conversation avec son voleur. Ça ne la dérangeait pas. Elle aussi aimait bien regarder les autres zigouiller des gens. On apprenait des trucs parfois. Par exemple, elle avait appris d'un type comment faire de belles coupures bien régulières et parallèles.. Et après, lorsqu'elle s'était suffisamment perfectionnée, elle avait testé ça sur le-dit mec. Elle pirouetta sur elle-même, et demanda à la cantonnade :

On est dans le quartier marchand, vous savez où je peux trouver des limes à ongles de qualité ? C'est urgent, l'ongle de mon index gauche est naze, et je vais en avoir besoin si je dois arracher un cœur.

Kate eut à peine à attendre une seconde pour qu'une ombre ne saute souplement d'un toit et atterrisse exactement devant elle. Elle ne sursauta pas, et ne bougea pas d'un pouce. Elle aurait pu faire semblant d'être... impressionnée. Voir d'avoir peur. Mais bon. Elle n'avait pas que ça à faire...

Et puis lorsqu'il lui adressa la parole, elle se fit la réflexion qu'elle devait peut-être faire semblant de se vexer, qu'il ne la connaisse pas. Ou plutôt, qu'il ne connaisse pas sa réputation. Mais là aussi, pas que ça à faire. Elle remarqua ses lunettes. Depuis quand les vampires avaient besoin de lunettes ? Ce type était peut-être bizarre... Puis il lui répondit, pour la lime à ongle, et elle chassa cette pensée de son esprit.

Sérieusement, pas de lime à ongle ?

Elle inspecta son ongle d'un œil critique. Il avait une infime petite fissure. Une toute, toute petite. Mais là n'était pas la question. Elle essayait d'arracher un cœur avec un ongle dans cet état, et ça partirait en cacahouète... Elle soupira et leva les yeux au ciel. Tiens, il allait y avoir un orage... Elle ferait mieux de rentrer s'abriter quelque part... Cependant, ce mec l'intriguait, alors elle reporta son attention sur lui.

Et sinon, vous êtes qui ? se renseigna-t-elle, avisant ses vêtements usés jusqu'à la corde... -et encore, c'était un euphémisme. Le pouilleux du coin ? Ça m'étonnerait, vous êtes quand même un vampire...

Si elle avait été capable de ressentir des émotions, la réponse de son interlocuteur l'aurait sûrement fait rire tant elle était drôle. Un riche noble hein ? Vu l'état de ses vêtements, elle n'aurait pas dit. Mais elle devait bien lui reconnaître qu'il avait de l'allure. Et qu'il essayait de l'impressionner. Comme si quelque chose pouvait encore l'impressionner...

Elle remarqua aussi l'infime instant d'hésitation qu'il eut au moment de répondre, mais ne changea pas son expression. Et elle resta encore une fois impassible lorsqu'il se décida à lui révéler son nom. Bizarre, un Yvan qui ressemblait... au Yvan. Enfin... vaguement. Elle avait dû le voir... une fois ou deux. Il y a longtemps. PEut-être même qu'elle était encore humaine... C'était peut-être pas lui.Ou... peut-être que si. Le grondement sourd du tonnerre la tira de ses pensées. Au moment où Yvan lui posa une question.

"Et vous ? Quelles sont vos qualités ?"

Elle retint les mots qui allaient franchir ses lèvres. Kate, maitrise ton impulsivité ma grande, ça te fait faire des bêtises. Bêtises que tu dois ensuite réparer. Tu te souviens, comme c'est ennuyeux de réparer tes bêtises ? Et puis... il avait l'air de vouloir jouer. Autant qu'elle joue elle aussi. Alors elle choisit soigneusement chaque mot de sa réponse.

Je suis juste une qui aime bien voyager. Et... tuer des voleurs de lime à ongle. Se nourrir, ce genre de chose. Reconstruire une ville ne m'intéresse pas si ça n'inclue pas ce genre d'activités. Mais bon courage, vraiment.

Un nouveau coup de tonnerre résonna dans l'air. Et elle était trempée. Autant qu'elle rentre avant de se liquéfier.

...Personnellement, je ne compte pas rester sous l'orage plus longtemps. Et vous ?

EVILLY ♫ lynch.

Encore une fois, Yvan se heurta à un mur froid. Kate ne semblait pas malheureuse de toutes ces nouvelles, mais pas particulièrement enjouée non plus. Yvan était frustré, heureusement pour lui, il était habitué à masquer ses émotions sous un masque de sévérité continue. Comment savoir si elle était propice au relèvement de Gothik City ? Elle ne pouvait s'en moquer ! Cela devait forcément influer sa vie, à moins qu'elle ne soit comme ce Valérian qu'il avait rencontré quelques jours plus tôt. Mais Yvan aurait aimé être sûr qu'elle ne se dresserait pas sur sa route. Car il tuerait tout traître, tout lâche. Un bon Gothik était un Gothik patriote. Tout vampire appartenant à la noblesse de la City ne méritait la vie que s'il était dévoué à la ville. Ainsi pensait Yvan von Dast.

Elle se présenta comme une simple voyageuse. Voulait-elle dire qu'elle était l'une de ces Traders sans attache ? Les sourcils d'Yvan frémirent de son hésitation et il se mordillait l'intérieur de la lèvre, les narines légèrement dilatées. Ses décisions étaient difficiles devant Kate. Cela le troublait. Elle dégageait par dessus ça un certain charme qui l'affectait un peu plus. Le charme du vampire dans toute sa splendeur.

Il en était là de ses réflexions intimes lorsque les nuages éclatèrent subitement, se déversant sur eux à grosses gouttes. Pas de préliminaire pour la pluie. Pourtant, Yvan ne bougea pas d'un poil. Ce n'était pas une petite averse qui allait le faire fuir, ça non. Mais ce n'était pas le cas de la demoiselle qui proposa de se rendre ailleurs. Yvan fronça plus fort les sourcils. Elle voulait continuer à discuter avec lui ? Sinon elle n'aurait certainement pas demandé sa permission.

« Allons plus loin, suivez-moi, » ordonna-t-il de son ton de chef de guerre habituel.

Yvan se retourna et remonta la rue jusqu'à une auberge, dont il défonça la porte pourrie d'une poussée brutale du plat de la main, leur libérant un espace confortable pour passer. Il avait remarqué plus tôt que l'établissement était abandonné. Il se souvenait que « Chez Mimi » était autrefois tenue par une famille d'humains depuis un beau tas de générations. Ils avaient probablement fui jusqu'à cette ville bizarre dans les montagnes, eux aussi.

« Nous serons à l'abri ici, » décréta Yvan comme si cette seule parole prononcée sur un ton péremptoire allait empêcher le plafond de s'effondrer sur leurs têtes.

Le vampire trouva une table épargnée par les fuites du toit et s'y installa. Il croisa les chevilles sur ladite table, répandant un peu de boue sur le bois. Un détail dont il se moquait éperdument. Il attendit que Kate prenne place elle aussi, peu importait de quelle manière du moment qu'il pouvait la regarder pendant qu'il lui parlait. Des bourrasques faisaient pénétrer le froid dans la pièce, autrefois extrêmement chaleureuse et bondée. Mais ils étaient des vampires, même s'ils avaient conscience des températures, ils n'en souffraient pas. Après, à chacun ses goûts personnels. Pour Yvan, c'était un autre de ces détails dont il se moquait éperdument.

« Pour en revenir à ce que vous disiez plus tôt, reconstruire une ville entraîne justement des activités du genre que vous avez évoqué. Je vais devoir éliminer beaucoup de monde et en attirer encore plus ici. De vivant. Ce ne seront pas des petits voleurs de lime à ongles, c'est vrai. Plutôt des nobles, des vampires très riches qui voudront freiner mon projet, qu'il me faudra éliminer. Des assassins de l'ombre envoyés pour me stopper net. Inutile de vous faire un dessin je pense. A moins que vous pensiez que le monde des malhonnêtes se réduise aux voleurs de lime à ongles. »

Yvan baissa la tête et les paupières, esquissant un sourire sur sa propre plaisanterie.
Avec son petit exposé, le prince espérait aussi dévoiler la tendance de la demoiselle. Alors, favorable ou non ?

Within temptation -In The Middle Of The Night-


Kate remarqua parfaitement l'infime moment d'hésitation de son interlocuteur. Oh, elle devait bien reconnaître qu'il était doué, pour cacher ses émotions. Mais elle passait son temps à observer les expressions des autres, alors il lui était très aisé de discerner le moindre changement dans le visage de quelqu'un.

Et peut-être que le manque d'expression sur son visage gênait Yvan. Qu'il ne savait pas comment réagir face à elle. Oui, mais elle n'avait pas l'intention de lui faciliter la tâche en habillant son visage d'émotions factices. Il avait voulu jouer, et bien ce jeu allait continuer.

Elle enroula son doigt autour d'une mèche de cheveux, l'examinant d'un œil critique, attendant la réponse du vampire. Elle espérait qu'il allait accepter de poursuivre cette petite conversation au sec. Parce que le petit jeu qu'il menait l'intéressait, et qu'elle n'avait pas envie qu'il cesse. Ses cheveux commençaient à friser, et elle n'aimait pas ça. Lorsque ses cheveux bouclaient, et qu'elle se regardait dans le miroir, elle se donnait l'impression d'avoir 15 ans. Et puis, les cheveux lisses, c'était tellement plus pratiques...

L'aplomb et l'assurance qu'il y eut dans la réponse du vampire ne la surprit pas. Au contraire, cela ne fit que confirmer ce qu'elle savait déjà. Elle avait face à elle Yvan von Dast en personne. Enfin... elle en était sûre... à 99,9%.

Elle lui emboîta le pas, curieuse de savoir où il comptait l'emmener. Son expression ne changea pas lorsqu'il s'arrêta devant la porte en bois vermoulu et pourri d'une auberge et qu'il la défonça du plat de la main. Essayait-il encore une fois de l'impressionner ? Elle entra à sa suite, et remarqua d'emblée l'état du plafond. ET la remarque de son congénère aurait presque pu la faire rire. A l'abri ? Hum... de la pluie peut-être, du plafond qui menaçait de s'écrouler, peut-être pas.

Yvan alla s'asseoir dans un coin épargné par la pluie, mais elle ne le rejoignit pas tout de suite. Avisant quelques restes de bougies, elle s'en approcha, en espérant que les mèches soient suffisamment sèche pour s'allumer. Elle farfouilla dans une poche intérieure de son manteau. Hum... non, ça non plus... ça encore moins... songea-t-elle en trifouillant dans sa poche et en devinant la forme des objets dans ses poches. Ah, ça y est !

Elle dénicha enfin son briquet, en métal poli, et elle en fit aussitôt jaillir une flamme. Pendant une demi-seconde, elle songea à utiliser son pouvoir pour allumer les bougies. Et puis... non. Autant garder ça pour elle, pour l'instant. Elle parvint à allumer une bougie, et elle retourna vers Yvan pour l'y déposer, pendant que ce dernier parlait, dissimulant aussitôt l'objet dans sa poche.

Elle lui jeta un bref coup d'œil pendant qu'il lui faisait son petit laïus, pour la convaincre de l'aider sans doute. Encore ce visage fermé. Cela lui donnait les idées. Elle avait envie de faire disparaître cette expression de son visage. Et si en plus elle arrivait à lui faire dire qu'il était un von Dast... Voilà un jeu parfait pour tromper son ennui !

Il finit son petit discours et elle s'intéressa à lui de nouveau, et à chaque changement dans l'expression de son visage. Tiens, il souriait ? Il trouvait amusant qu'elle se préoccupe tant des voleurs de lime à ongle ? Il n'avait jamais dû se retrouver avec des ongles dans un état lamentable après une série de meurtre. Elle rectifia d'ailleurs ce point dès le début de sa phrase.

Non, le monde des gens malhonnêtes ne se limitent pas aux voleurs de lime à ongle. Quand à votre projet de reconstruire cette ville... si les assassins potentiels vous effraient tant, pourquoi ne pas laisser cette tâche à quelqu'un d'autre ? Il doit bien exister un von Dast suffisamment imbu de lui-même pour la mener à bien. Suffisamment imbu de lui-même et suffisamment riche et influent j'entends. Et en parlant de nobles vampires, avez-vous au moins le soutien de quelques-uns d'entre eux ? Avez-vous au moins de l'argent, histoire de vous achetez des vêtements qui ne vous feront pas passer pour le dernier des gueux ?

Elle termina sa tirade, attendant patiemment sa réaction. Elle pariait sur au moins un pincement de lèvres et une dilatation des narines.

We Are The Fallen *Bury Me Alive*

Kate se concentra particulièrement sur les expressions de son interlocuteur, même si elle donnait l'impression d'être plutôt détendue, comme si la conversation qu'elle menait ne l’intéressait que vaguement dans le fond. Et c'était peut-être un peu le cas.

Ah tiens, un remuage de tête léger. Une contraction de mâchoire lorsqu'elle évoqué les von Dast -elle n'en attendait pas tant- et puis il se leva. Kate le soupçonnait d'être quand même un peu en rogne, et de vouloir le lui cacher en lui tournant le dos. Elle aurait donné cher pour pouvoir lire dans ses pensées. Ça aurait été tellement plus drôle si elle avait connu ses mouvements à l'avance...

Puis il lui fit une nouvelle tirade. Sur la justesse de sa cause ce genre de truc. Oh elle ne le prenait pas pour un faible. Elle connaissait sa réputation. Certes pas aussi impressionnante que la sienne... Le regard qui lui lança ensuite devait, encore une fois, avoir pour but de l'impressionner. C'était vraiment une manie chez lui... Et cette phrase... une menace ? Comme si elle allait avoir peur...

Puis il parla des von Dast. Elle se dit qu'il allait peut-être se dévoiler, mais il ne le fit pas. Encore heureux. Le jeu aurait été trop vite terminé. Et selon ses dires, il n'avait aucune nouvelle de sa famille. Ça ne l'étonnait pas plus que ça. Et sa dernière remarque aurait pu lui arracher un sourire. Plus aucun von Dast apte à faire revivre cette ville ? S'incluait-il dans ce constat ?

Il se tourna enfin vers elle, croisant les bras sur son torse. Il avait visiblement recouvré son calme songea-t-elle en avisant son visage fermé. Elle soupira et se leva à son tour, faisant quelques pas en étirant ses bras au-dessus de sa tête. Puis elle farfouilla de nouveau dans la poche de son manteau et en ressortit en montre à gousset argenté, qu'elle ouvrit d'un geste. Ah tiens, si tard que ça ? Elle qui comptait faire un tour au manoir familial, elle devrait peut-être attendre. Elle préférait la discrétion de la nuit à la lumière du soleil ;

Elle reporta son attention sur Yvan en rangeant l'objet dans sa poche. Il n'avait pas bougé d'un pouce. Oh, peut-être qu'il attendait qu'elle dise quelque chose.

Pensez ce que vous voulez. La cause peut être la plus juste du monde, sans ressource, vous n'êtes rien.

Elle fit encore quelques pas, et s'approcha de lui.

Oh, et arrêtez d'essayer de m'impressionner, vous n'y arriverez pas.

Ah enfin ! Son masque tombait vraiment et une émotion venait habiller son visage ! Il commença d'abord par la foudroyer des yeux, puis il la plaqua carrément contre le mur. Mais elle n'était toujours pas impressionnée. Ni même terrifiée.

Elle ne cilla pas lorsqu'une poutre s'écrasa au sol, et n'eut toujours aucune réaction lorsqu'elle se retrouva nez à nez avec Yvan von Dast, pendant que ce dernier lui serrait les bras à lui en briser les os (enfin... si elle avait été humaine). Il lui cracha quelques mots au visage, accompagnés d'une insulte ou deux et de quelques menaces.

Il la retint contre le mur pendant plusieurs secondes, sans qu'elle ne réagisse. Puis il recula, ne la quittant pas des yeux. Sans un mot, elle lissa les plis de son manteau et en chassa la poussière. Et puis Yvan la menaça, encore. Elle l'avait pourtant prévenu qu'il ne servait à rien de la menacer ou de lui faire peur... Mais elle n'allait pas fuir. Et elle aurait bien aimé le voir essayer de le tuer. En d'autres circonstances peut-être.

Je serai curieuse de savoir ce que vous feriez du soutien d'une morte répondit-elle enfin. Pardonnez-moi de vous le dire, mais à l'heure actuelle, j'ai beaucoup plus de pouvoir que vous.

Il avait été certain qu'elle allait fuir. Trop certain peut-être. Yvan la voyait déjà rebrousser chemin, l'air digne, espérant encore réussir à cacher ses sentiments. Elle était extrêmement douée pour cela. Mais la vérité éclaterait dans sa décision. Et la vérité... Etait que Kate ne mentait pas. Elle lui tint tête, sans se départir de son calme. Et en effet, il ne l'avait à priori pas du tout impressionné. Ca en devenait presqu'un défi. Yvan pensa même à user de son pouvoir, mais ça aurait été stupide et il ne se laissa pas guider tant que cela par sa fureur.

Ses lèvres se tordirent en une moue agacée lorsqu'elle le provoqua, mais il n'avait pas oublié ce qu'elle avait dit juste auparavant. Il laissa éclater sa colère en donnant un grand coup de pied dans une table, qui alla s'écraser contre un mur. La secousse les saupoudra de poussière. S'ils restaient encore trop longtemps ici, ils se feraient ensevelir à coup sûr. Tout était une question de timing.
Lorsqu'il fit à nouveau face à Kate, il semblait un peu calmé. Ses muscles étaient tendus mais il croisait à nouveau les bras sur son torse, signe qu'il avait retrouvé un semblant de zen attitude. (Yvan monsieur Propre)

"Ne me fais pas rire petite fille," lança-t-il avec un sourire indulgent de grande personne s'adressant à un enfant un peu arriéré. "J'ai beau être pauvre d'argent, je suis riche par ailleurs. Du pouvoir, je ne mettrai guère de temps à en acquérir, crois-moi. Cependant, tu n'as pas tort. J'ai un besoin."

Besoin d'un petit quelque chose. Minuscule. Enfin, rien de très impressionnant. Juste de quoi faire un peu peur. N'avait elle pas insinué, à l'instant, qu'elle pourrait être un soutien ? Yvan ne lui poserait pas la question directement. Ce n'était pas afin de préserver sa fierté, plutôt pour ne pas lui laisser penser qu'il pourrait avoir trop besoin d'elle. Cela aurait été une erreur stratégique et un mensonge.

"J'ai besoin de quelqu'un pour exécuter mes sales besognes. Quelqu'un qui sera mon ombre. Une personne assez mystérieuse pour que j'impressionne par sa présence à mes côtés. Quelqu'un... Comme toi."

Il laissa un petit temps de flottement puis sortit tranquillement. Lorsqu'il passa près d'elle, Yvan rajouta :

"Il y aurait des avantages indéniables. Mais c'est ton choix et sois assurée que je pourrai facilement trouver quelqu'un d'autre. Inutile de me faire la charité."

Le prince se retrouva sous la pluie, qui s'était un peu atténuée. L'orage était lui terminé. Yvan rejoignit une petite maison à quelques mètres, abandonnée, et mordit le sang de la petite fille qui y agonisait, transie de froid et affamée. C'était cela aussi, être un prince Gothik. Savoir laisser les forts en vie et se tourner vers les faibles pour les soulager de leurs souffrances. Oui, de temps en temps, il fallait être généreux.

Kate regarda avec intêret la table voler contre un mur. Elle avait dû le vexer, un peu. Une couche de poussière vint recouvrir son manteau, qu'elle venait tout juste de finir d'épousseter. Elle recommença à l'épousseter, patiemment, et Yvan, enfin calmé maintenant qu'il avait détruit la moitié de l'auberge encore debout, se tourna de nouveau vers elle.

Tiens... Il l'avait appelé « petite fille ». Son père l'appelait comme ça de temps en temps. Elle était sûre que c'était à cause de ses cheveux qui frisaient. Elle savait que ça la rajeunissait ! Elle remarqua la petite pause presque dramatique dans le discours d'Yvan. Sans doute pour mettre un peu de suspense. Bien que cela ne soit pas nécessaire, elle savait déjà ce qu'il allait dire. Mais comme il avait sa fierté, et qu'il ne voulait pas donner l'impression de lui quémander de l'aide, il allait énoncer son besoin de manière détournée. « Ça serait bien mais si tu veux pas c'est pas grave » en gros.

Et puis les sales besognes, elle connaissait. Ça occupait son ennui. Oui, elle gérait assez mal l'ennui, ça la conduisait inévitablement à tuer, voler... etc etc... Il la frôla presque avant de sortir et rajouta une petite phrase. Des avantages ? Rien ne la tentait. A part un apport régulier de lime à ongle. Quand à savoir s'il trouverait facilement quelqu'un d'autre... elle aurait bien aimé voir ça, étant donné que la ville avait été désertée par la plupart.

Elle le laissa prendre un peu d'avance sur elle, histoire de lui faire comprendre qu'elle réfléchissait à sa proposition. Puis elle rabattit sa capuche sur sa tête avant de sortir. De toute façon, le toit de cet auberge ne tenait plus qu'à un fil. Elle se fia à son odorat pour retrouver Yvan. Il avait l'air affamé, il devait donc très probablement rechercher à manger. Et il y avait une humaine pas loin. Elle s'arrêta dans une rue, non loin d'une petite maison. Il y avait eu une humaine ici. L'oeuvre d'Yvan sans aucun doute...

Elle s'adossa contre le mur d'une maison, dans l'ombre. Et elle regarda une dernière fois sa montre en attendant qu'il se décide à ressortir. Elle n'allait vraiment pas pouvoir rentrer ce soir...

Le sang était trop tiède à son goût, guère riche. Bref, un repas infâme. La petite mourut rapidement entre ses bras, elle lui avait même adressé un petit sourire. Et pendant qu'il buvait, avant de mourir, elle avait saisit l'une de ses mèches noires, la caressant du pouce machinalement. Sa petite main avait fini par retomber alors que sa tête vacillait sur le côté.
Repus, Yvan avait délaissé le petit corps, qui se raidirait bientôt. Il avait presque été attendrit par la fillette. Presque. Le vampire alla ensuite fouiller la maison, peut-être y trouverait-il quelque chose d'intéressant. Il n'y comptait pas trop, mais tant qu'il y était, autant le faire. D'autant qu'il voulait attendre à proximité du cadavre, afin que Kate le retrouve facilement si elle le désirait. Il espérait qu'elle accepte sa proposition, en même temps qu'il l'appréhendait. Il ignorait tout d'elle, et surtout s'il pouvait lui accorder un minimum de confiance. Mais il y aurait plusieurs avantages certains à ce qu'elle lui dise "oui". D'abord, il pourrait agir rapidement, sans devoir perdre son temps à trouver un autre larbin. Ensuite, comme elle ne lui inspirait pas plus de confiance que ça, il n'aurait aucune hésitation à l'ensevelir sous terre en cas de trahison.

Il l'entendit marcher non loin de la maison, à moins que ce ne fut quelqu'un d'autre, et redescendit au rez-de-chaussée. Le prince n'avait découvert aucun trésor, bien sûr, à part des cigarettes et un briquet en argent très usé. Il avait espéré trouver quelques vêtements, toutes les boutiques qui en fabriquaient autrefois étaient désertes. Yvan allait devoir se rattraper sur les dons de Valérian, ce qu'il aurait préféré éviter. Il ne parvenait pas à considérer ces frusques comme les siennes, bien qu'elles soient belles et lui aillent.
Sortant le nez dehors, il aperçut Kate à seulement quelques pas, dans l'ombre. Son instinct le trompait rarement. Il avait directement dirigé son regard vers elle.

"Te revoilà," constata-t-il froidement. "Alors ? As-tu réfléchi à ma proposition ?"

Yvan resta sous le porche et s'alluma une cigarette, épiant la rue presque vide. L'auberge où ils s'étaient réfugiés un peu plus tôt s'effondra sous ses yeux sans qu'il ne bouge.

The Rolling Stones *Sympathy For The Devil*

Kate ne se vexa pas de la froideur d'Yvan. A part lorsqu'il détruisait des auberges de Gothik City sous le coup de la colère, il avait tout le temps cette expression sur le visage. Et elle s'en fichait un peu. Le moindre changement dans l'expression de son visage lui suffisait à tout savoir de toute façon. Et puis... pour le coup, elle était vraiment fière d'elle. Réussir à énerver Yvan von Dast à ce point...

Il aborda tout de suite le sujet qui les intéressait. Acceptait-elle de l'aider, ou non ? Le fait est... qu'elle s'ennuyait en ce moment. Alors ce genre d'occupation... eh bien aurait le mérite de l'occuper !

Elle tourna à demi la tête lorsque l'auberge s'effondra. Tiens. Le bâtiment avait attendu qu'ils s'en aillent pour s'effondrer. A croire qu'il n'avait suivi l'ordre implicite d'Yvan de rester debout jusqu'à ce que celui-ci quitte le bâtiment.

Elle lâcha un soupir et s'avança, traversant la rue pour le rejoindre.

Il te reste une clope ? se renseigna-t-elle.

Elle patienta une minute, puis lâcha :

Je suis avec toi. Mais j't'en prie, fais quelque chose pour les loques qui te servent de vêtements... J'ai une réputation à tenir

Kate choisit deux ou trois cigarettes dans la boite abîmée que lui présenta Yvan et elle les enchaîna . Moins vite que lui peut-être. Elle tenait à préserver ses poumons en ne fumant pas trop vite. Un minimum en tout cas. Même si dans le fond, c'était pas utile.

Elle le regarda recracher une bouffée de fumée vers le ciel lorsqu'elle lui donna son accord sous condition. Puis elle alluma une autre cigarette, en attendant qu'il réponde. La pluie finit par s'arrêter, mais un peu trop tard à son goût. Ses cheveux étaient définitivement fichus, elle n'avait plus qu'à se recoiffer.

Elle le regarda en coin lorsqu'il lui demanda quelque chose et elle le jaugea de haut en bas. Hum... ils avaient à peu près la même carrure, alors... ça devrait coller.

Son mégot tomba non loin des autres, et elle se décida à répondre :

Une boutique ouverte, ça n'existe plus ici. Mais il doit me rester deux ou trois frusques potables chez moi. Si ça t'intérrèsse...

Elle vérifia une dernière fois l'heure sur sa montre à gousset et se mit en route sans vérifier qu'Yvan la suivait. S'il tenait tant que ça à mieux se vêtir, il la suivrait. Sans compter qu'ils avaient... un accord. Il avait visiblement allongé le pas, pour marcher à côté d'elle.

Pas un mot ne fut prononcé, pendant toute la durée du trajet vers chez elle. Et le soleil n'allait pas tarder à se lever. Aaaaah elle n'aimait pas voyager de jour. Elle accéléra imperceptiblement l'allure. Ce n'était plus très loin maintenant.

Quelques minutes plus tard, le toit du manoir MacMahon apparut au loin. Les fenêtres brillaient dans l'éclat des premiers rayons du soleil. Elle accéléra encore. De toute façon, Yvan ne la lâchait pas d'une semelle.

Elle ralentit à peine devant la lourde porte qu'elle ouvrit d'une poussée, une main sur chacun des battants.

Je suis rentrée !! annonça-t-elle.

Un serviteur devait bien traîner quelque part pas loin.Il valait mieux les prévenir qu'ils avaient un invité vampire. Elle s'en voudrait de les surprendre. Enfin... si elle était capable de ressentir... de la culpabilité, elle en ressentirait sûrement... Quoique... non en fait... Elle avança dans le hall en pierre sombre et mal éclairé, et salua un crâne, posé sur un piédestal, sur la droite, mais n'alla pas jusqu'à s'arrêter devant. Eh, y avait des limites quand même !

Salut Nich, c'est un tel plaisir de te revoir lâcha-t-elle avec sa plus belle imitation du plaisir de revoir quelqu'un.

Elle se dirigea sans plus attendre vers l'escalier. Il devenait urgent qu'elle regagne sa chambre. Ses cheveux devaient être dans un état lamentable. Elle préférait ne pas regarder. Et il lui restait des limes à ongles dans sa chambre.

Elle commença à monter les marches, mais elle se souvint soudain de quelque chose, et elle redescendit aussitôt les marches à reculons, sous l'œil d'Yvan.

Oh, bonjour père, j'avais oublié que j'avais rangé votre tête ici... lâcha-t-elle à l'attention du second crâne exposé dans le hall, sur un piédestal. Comme vous le voyez, nous avons un invité.

Elle ne s'attarda pas plus longtemps et grimpa les marches pour de bon. Où étaient donc passé les serviteurs ? L'idée de devoir terrifier d'autres personnes pour qu'ils la servent au manoir... la fatiguait déjà...

Elle traversa un couloir, et remarqua que là non plus il n'y avait pas de lumière. Visiblement, personne n'avait été faire un tour dans les chambres -les serviteurs avaient peur de s'aventurer ici sans lumière, sans doute à cause de sa sale manie de surgir de l'ombre pour les terrifier à chaque occasion. Dans un sens, que personne n'ait mis les pieds ici l'arrangeait, elle n'aimait pas qu'on fouille ses affaires. mais elle aimait aussi avoir une chambre propre.

Elle poussa une porte, se retourna vers Yvan et lâcha :

Doit y avoir des vêtements convenables dans l'armoire. Il te faut autre chose ?

Le temps de la fumette était terminée. Yvan jeta la boîte par la porte ouverte de la maison. Il avait récupéré les deux dernières cigarettes, qu'il glissa sous sa ceinture. Kate venait de confirmer son impression et le résultat de sa première enquête d'évaluation de l'état de Gothik City. Il ne pouvait pas acheter de vêtement. Elle lui proposa d'aller chez elle. Yvan se dit qu'elle devait soit lui faire confiance, soit avoir un bon potentiel de puissance. Il préféra opter pour la seconde solution, qui lui convenait beaucoup mieux et semblait également plus probable.
Ainsi donc, ils entreprirent une marche vers la maison de Kate. Yvan se demandait ce qui l'attendait. Il n'avait su évaluer sa richesse. En tout cas, ils n'allèrent pas très vite, il aurait pu faire mieux en passant par les toits, comme il en avait l'habitude. Le temps de la balade offrit cependant un peu de temps libre à son esprit pour divaguer, et il se demanda si Kate n'avait pas les cheveux plus lisses lorsqu'ils s'étaient vus au tout début.

Lorsqu'il fut en vue du manoir, Yvan se demanda si c'était bien chez elle ou si elle essayait de le lui faire croire. Il pouvait très bien s'agir d'une demeure abandonnée par ses hôtes qu'elle aurait investie. Le prince regretta en tout cas de ne pas s'être armé de Lilith, car il n'aimait vraiment pas en être séparé trop longtemps lorsqu'il s'aventurait loin de chez lui. C'était un peu son doudou. Un doudou capable de décapiter un vampire en un mouvement de bras.
Kate leur ouvrit dans un mouvement grandiloquent. Yvan entendit clairement les battants grincer, le bruit se répercuta sur une bonne distance à l'intérieur du manoir. Le hall était assez obscur, il y voyait tout de même, mais c'était bien lugubre comparé au lumineux château des Von Dast. Et là, la vampire annonça qu'elle était rentrée. A qui ? Yvan huma l'air. Hypothèse numéro un : il ne s'agissait que de vampires trop éloignés pour qu'il en sente l'odeur. Hypothèse numéro deux : trop de poussière encombrait son nez. Hypothèse numéro trois : elle était cinglée et il n'y avait absolument personne. Le manoir lui semblait pour le moment bien vide. Il décida cependant de ne pas insulter son hôte et se la ferma.

La suite était plus propre encore à poser des questions. La décoration était plutôt vétuste, mais plaisait assez à Yvan. Il aimait les choses sombres, simples, qui en imposaient. Comme ce hall. Il aimait aussi beaucoup l'effet de style "détail qui tue". A savoir : un crâne en guise de guéridon. A qui Kate parlait. Le crâne s'appelait Nich. Certainement un diminutif. S'il avait su qu'elle était complètement siphonnée, Yvan aurait réfléchi à deux fois avant de lui proposer de l'aider. Mais peut être s'agissait il simplement des restes d'un être cher, qui n'était plus chair.
Il y avait un deuxième crâne, à qui Kate ne dit rien. Peut être une dispute ? Elle passa en tout cas son chemin pour gravir les marches donnant sur les étages, et donc certainement les appartements privés. Yvan suivit de son pas lourd et il fut surpris, alors qu'il posait lui même un pied sur la première marche, de la voir reculer. Elle s'adressa à ce qui avait été son père. Nich était peut être son fiancé.

Yvan se laissa ensuite guider jusqu'à une chambre. Il n'avait toujours rien dit mais appréciait beaucoup les lieux. Il déplorait seulement qu'ils ne soient pas un peu plus propres et éclairés, afin d'exposer les portraits et les sculptures de la famille. S'il y en avait, ce à quoi il ne fit guère attention.
L'appartement était certes privé et avait appartenu à un homme. Yvan le voyait à la ressemblance frappante avec la sienne au château. Abandonnée depuis quelques années. Et Kate lui demandait de se servir.

"Très aimable," fit-il par politesse.

Il la remercierait plus avant s'il trouvait quelque chose de seyant. Première étape : la grande armoire. Yvan rabattit les portes dans un grand mouvements et parcouru les étoffes du regard. Certaines étaient trop usées, mangées par les mites, mais de nombreuses autres étaient bien conservées, notamment de riches fourrures. Il reniflait d'ici l'odeur du marchand. Il n'y avait qu'eux pour s'offrir de telles choses voyantes.
Yvan trouva une tunique noire aux attaches d'argent en forme de pointe de flèche ; un pantalon en cuir tanné sombre ; des cuissardes qui remplaceraient à merveille les siennes, d'un beau cuir brillant, les chaussures l’enserraient parfaitement. Et il dénicha aussi une petite merveille. Une cape. En velours, recouverte d'une couche de tissu légèrement brillant, toujours d'un noir profond. L'attache était en argent, dans une forme de patte griffue du plus bel effet. Le bord, qui lui arrivait au mollet, était agrémenté de fourrure fine. Le vêtement était lourd, large. Il l'essaya immédiatement après avoir enfilé le reste sans aucune pudeur devant Kate. Il supposait qu'elle avait dépassé l'âge de glousser devant un homme nu. Le tissu retombait élégamment sur son torse en de multiples plis soulignant sa gorge. Cette dernière n'était pas bien couverte, le velours baillait à cet endroit, lui permettant de se couvrir le bas du visage s'il le désirait. Il se mira dans une glace tachetée par la vieillesse. Il avait de l'allure, c'était certain. Cette tenue révélait le prince en lui. Le Prince Noir.

Yvan ôta la cape qu'il plia sur son bras et se tourna vers Kate.

"Merci beaucoup. Je te revaudrai cela."

Qu'il le fasse effectivement ou pas, là n'était pas son soucis. Mais il pressentait qu'une collaboration d'importance et d'envergure avait débutée entre eux.

Within Temptation *A Demon's Fate*

Kate s'effaça pour le laisser entrer et le regarder farfouiller dans les affaires de feu son père. Cette expression était curieusement ironique, étant donné qu'elle avait en partie brûlé son cadavre... Elle ne répondit rien à la vague formule de politesse que marmonna Yvan et renifla l'air le plus discrètement possible. Aaaah elle savait bien qu'il y avait au moins un humain ici ! Elle irait chercher le-dit humain par la peau des fesses tout à l'heure. Et elle le ferait passer à un stade supérieur de frousse. Ça lui apprendrait à l'ignorer.

Elle décida de s'en occuper plus tard. Après tout... terrifié un humain, c'était presque une tâche ingrate. Et puis elle l'avait déjà fait ce soir. Il fallait savoir échelonner les plaisirs dans la vie. Il lui sembla voir une vague expression de mépris sur le visage d'Yvan. Il ne devait pas aimer les trucs trop riches et trop voyants. Trop nouveaux riches qui se la pètent à son goût peut-être

Elle ne détourna pas les yeux en le voyant se déshabiller pour se changer, comme si elle n'avait pas été là. En même temps... elle s'en tamponnait un peu. Totalement même corrigea-t-elle dans sa tête.

Il sembla se prendre d'intérêt pour une cape. Tiens, elle s'en souvenait de celle-là. Son père l'avait achetée pour son anoblissement. Juste avant de devenir un vampire. Et puis pour son remariage avec elle. C'était sa cape des moments importants quoi. Elle n'avait jamais bien compris ce principe d'associer des évènements importants à une pièce de tissu. En plus... certains événements importants n'étaient pas prévus. Elle n'avait pas prévu le meurtre de sa sœur par exemple. Et niveau événement important, le fratricide doublé d'un premier meurtre était haut classé. Et en plus, elle était nue à ce moment-là, elle se voyait mal réitérer la tradition en étant dénudée à chaque événement important. Non, des fois, les sentiments humains lui semblaient... bizarres.

Elle émergea de ses pensées. Eh bien, le changement était flagrant. Il faisait moins pouilleux et plus von Dast. S'il s'habillait toujours comme ça, elle n'aurait aucun problème à trainer avec lui. Il enleva la cape et se tourna vers elle et la remercia vaguement. Absorbé par la contemplation de son ongle abîmé, elle faillit ne pas répondre. Puis elle sembla se souvenir que les conventions sociales exigeaient qu'elle dise quelque chose. « Pas de quoi ». « De rien ». « Ooooh, mais je t'en prie ce fut un tel plaisiiiiiir !!! ». Hum... ça faisait peut-être un peu trop là... Bref.

J'ai toujours dit à mon père qu'elle lui allait pas. Il m'a jamais écouté. Mais elle te va bien, vraiment le complimenta-t-elle vaguement.

Elle pirouetta, voulut sortir, et une odeur humaine lui parvint aux narines. Ah bah enfin, c'était pas trop tôt. Un serviteur daignait enfin pointer le bout de son nez. Elle espérait qu'il ou elle avait de la famille qu'elle pourrait terrorisé pour lui faire comprendre de ne plus jamais faire ce genre de choses. On n'ignorait pas la maîtresse de maison lorsqu'elle revenait !

Si tu croises un humain, le mange pas, c'est difficile de trouver du bon personnel de maison de nos jours.Au risque de me répéter, as-tu besoin d'autre chose ?

Yvan n'attendait pas un jugement de la part de Kate. Juste un "de rien", ou "ce fut un plaisir", voir un hochement de tête de reconnaissance. Mais certainement pas à un compliment. Les sourcils du vampire se détendirent un peu, remontant légèrement. Il était surprit. Agréablement surprit. Il en aurait presque sourit, mais n'abusons pas des bonnes choses. Il avait assez sourit pour la semaine. En tout cas, il resta muet quelque seconde, les remerciements sincères, peu habitués à être délogés, s'étaient coincés en travers de sa gorge.

"... Hh... C'est... C'est gentil. Kate."

Et elle fit volte face. Yvan se rembrunit, suspicieux. C'était sincère ou non ? Peu importait. Personne ne lui avait dit quelque chose comme cela, mise à part sa défunte et adorée mère. On ne complimentait jamais sur ses vêtements. Il n'avait dès lors pas l'habitude et ses réactions étaient mal maitrisées.
Kate ne sortit pas, comme l'attendait Yvan. Il arrêta donc le mouvement de jambe amorcé et la questionna du regard. Elle enchaina sur la bonne tenue dans sa propre maison.

"Rassures toi, fit-il sur le ton acide de celui qu'on prenait pour un débile, je sais me conduire."

Il avait quelques notions de vie en société après tout, même si la palme revenait à son frère Ulrick. Il dépassa donc Kate et retourna dans le couloir. Ses leçons de vie en société lui interdisaient de trop s'attarder dans les appartements privés d'un inconnu, fusse-t-il mort. Son père... Il portait les vêtements d'un homme dont le crâne était exposé dans le hall. Charmant. Allait il l'attaquer à coups de dents lorsque Yvan passerait devant lui ?
Il avait ignoré sa question la première fois, mais ça n'avait pas été volontaire. Yvan avait simplement été trop absorbé par son choix vestimentaire, comme Kate était obsédée par son ongle.

"J'ai mangé, je suis vêtu. Que demander de plus ? J'ai aussi un toit où dormir, rassure toi. Cependant, j'aurai besoin de toi demain. Ou plutôt cette nuit, puisqu'il fait déjà jour. Je sais que les Castellis organisent une soirée. Je veux que tu m'accompagnes. En robe."

Il était planté au milieu du couloir, devant la chambre, jambes écartées à hauteur de bassin, bras croisés sur son torse. Toujours théâtral, sans même le chercher.

Rogue Traders *Voodoo Child*

Ah tiens, elle ne s'attendait pas à ce changement d'expression, lorsqu'elle le complimenta. C'était même pas un vrai compliment. Et pourtant, ses sourcils bougèrent. Elle avait touché une corde sensible ? Intéressant...

Et dans sa réponse, on aurait dit un adolescent timide. Fin... C'était quand même Yvan von Dast. … Nan, ça devait juste être sous le coup de l'émotion. Elle s'amusa de la comparaison qu'elle venait de faire. Il était temps qu'elle aille se coucher...

Et puis lorsqu'elle lui demanda de ne pas se nourrir de ses serviteurs, il se rembrunit immédiatement. Oups. Là, cette vexation n'était pas prévue. Elle aurait dû préciser qu'il pouvait toucher aux autres...

Il la frôla en retournant dans le couloir. Visiblement, il était vraiment vexé. Elle le suivit du regard, s'appuyant contre le mur, attendant la suite. Et elle espérait que cette suite allait vite venir. Elle devait s'occuper de son ongle. Et puis elle avait envie d'un bain. Et il fallait qu'elle face quelque chose pour ses cheveux...

Il lui répondit enfin. Ah tiens, il avait besoin d'elle demain ? Et il lui donnait des conseils pour s'habiller ? Eh bien... elle venait de le vexer, et elle allait pouvoir réutiliser immédiatement ce qu'elle venait de voir. Le monde était quand même bien fait...

Rassures toi, lui répondit-elle en imitant parfaitement le ton qu'il venait de prendre et en utilisant ses propres mots. Je sais me conduire. Mais si tu insistes, tu peux la choisir pour moi, je ne voudrais tellement pas te faire honte.

Elle remarqua sa position théâtrale, genre statue de guerrier. En fait, il ne cherchait pas à l'impressionner, pas consciemment. C'était juste sa manière d'être...

Et pourquoi dois-je être présente? Je dois déjà tuer quelqu'un pour toi?

Trans-Siberian Orchestra *Midnight*

Kate s'ennuyait. Quand elle s'ennuyait avec quelqu'un, c'était le signe qu'elle devait faire semblant d'avoir des émotions. C'était toujours très drôle, de passer du stade « Aussi sentimentale qu'une porte de prison » à « Susceptible comme un poux » en un claquement de doigt. Ça prenait ses interlocuteurs de court, et ils ne savaient pas toujours comment répondre. La déstabilisation, elle a-do-rait.

Yvan haussa un sourcil -ça avait l'air d'être son exercice préféré, et peut-être que s'il levait le droit, cela n'avait pas la même signification que s'il levait le gauche- et il lui répliqua quelque chose au visage. Hum... il était cinglant. Il voulait la « vexer » (comme si elle pouvait se vexer, sérieusement...) encore plus ?

Elle écouta distraitement son plan. Une robe de soirée, ça, elle avait. Enfin... sa sœur devait avoir. Elle, elle avait brûlé ses robes et autres jupons. Mais tout ça ne l'arrangeait pas. Elle n'aimait pas les robes, ce n'était pas du tout pratique pour se battre. Et puis si ça n'impliquait pas de tuer... Elle espérait que quelqu'un allait être assez bête pour s'en prendre à Yvan, ça mettrait de l'animation dans sa soirée.

Elle ne se perdit pas en conjoncture pour savoir comment Yvan comptait impressionner la foule. Elle s'en fichait un peu. Mais elle se promit intérieurement de singer une expression de surprise, ou un petit sourire satisfait. Enfin... elle aviserait selon le contexte...

Et puis il lui proposa de reculer. Il allait arrêter de douter d'elle comme ça ? Il lui avait proposé de tuer des gens, elle avait dit oui, elle n'allait pas reculer à cause d'une simple soirée mondaine. Il devait trouver un peu bizarre son brusque changement d'humeur, et vouloir la provoquer encore plus.

Ne t'inquiète pas, je ne te ferais pas honte assura-t-elle avec un sourire sarcastique. Et je suis peut-être moins impressionnable que tous les autres nobles de cette cité, tu m'en excuseras. Pour finir, je tiens à te faire remarquer que ce genre de petite soirée ne me fait pas peur, maintenant que tu m'as dans les pattes, tu vas devoir me garder.

Elle croisa les bras sur sa poitrine, carrant la mâchoire et relevant le menton pour le toiser d'un regard dur. C'était sa plus belle imitation du « tu m'as vexée, je suis très en colère et je pourrais t'arracher le cœur ».

Y a-t-il autre chose pour satisfaire votre seigneurie ? ironisa-t-elle, d'un ton faussement respectueux.

Elle n'attendit pas sa réponse, se tourna sur la droite et beugla (oui, mais avec élégance quand même) :

MARYYYYY !!!! PREPARE-MOI UN BAIN ! ET VA EPOUSSETER LE CRANE DE MON FRERE !!!!! ET METS DES BOUGIES ON Y VOIT RIEN LA DEDANS ! ET OU SONT PASSES LES AUTRES !!!!!

Elle ne salua pas Yvan, et pirouetta pour faire demi-tour et se diriger vers sa propre chambre. Il allait peut-être voir ça comme une vexation supplémentaire... Bah... tant mieux si c'était le cas. Ça lui ferait de l'amusement supplémentaire...

Elle devait être très douée pour qu'il se sente obligé de s'excuser, même s'il n'en pensait pas un mot. Il s'inclina même devant elle. Eh bah... si elle avait prévu ça un jour. Qu'un von Dast s'incline devant elle. Elle avait la classe, certes, mais quand même. Son père aurait été fière d'elle.

Il se redressa et sembla un peu perturbé de ce brusque afflux d'émotions. Et puis il tiqua, ses lèvres se crispèrent. Mais elle ne s'en soucia pas et se détourna pour brailler ses ordres. Ah ! elle était partie depuis bien trop longtemps ! Il n'y avait vraiment que Grace et sa mère qui savait faire tourner cette maison...

Elle allait entrer dans sa chambre lorsque la main d'Yvan attrapa la sienne, presque délicatement. Et bien, ça changeait du placage brutal contre le mur de l'auberge. Et il lui montra sa main à l'ongle abîmée.

Oh... quel suspens. Tout ça alors qu'elle savait pertinemment qu'il allait lui parler de son ongle ! Elle aussi cela la perturbait...

Elle faillit singer la surprise lorsqu'il se décida à être honnête et à lui avouer son nom. Peut-être pour le flatter. Et puis non... elle n'avait pas envie.

Il laissa retomber sa main et lui donna ses dernières instructions. Bon, et bien ça lui laissait le temps de se reposer, et de s'occuper de ses problèmes capillaires et ongulaires... Et puis il partit sans ajouter un mot. Bah... il trouverait bien la sortie tout seul, c'était pas un labyrinthe ici...

Elle se retourna au moment où une humaine arrivait derrière elle. La jeune fille sursauta lorsque sa maitresse lui fit face et pâlit brusquement.

Euh... madame bafouilla-t-elle en lui faisant une petite révérence.

Mademoiselle, combien de fois dois-je te le dire? corrigea-t-elle distraitement.

Elle lâcha un soupir menaçant. Oh, c'était facile à faire. Il suffisait de lâcher un soupir genre "je ne sais pas ce qui me retient de ne pas te tuer". Et vu le sursaut de l'humaine, c'était efficace. Evidemment que c'était efficace! Elle était Kate MacMahon, Main du Diable!

Mon bain. Et les autres exigea simplement Kate.

Ils... Ils sont à la cuisine et je vais préparer votre bain.

Kate plissa des yeux pour lui faire peur et la pousser à se dépêcher, et la jeune fille détala aussitôt. Elle faillit même s'étaler de tout son long en se prenant les pieds dans sa robe taillée dans un grossier tissu marron.

Bon... eh bien en attendant que son bain soit prêt, elle pouvait aller choisir sa robe... Elle se dirigea d'un pas dansant vers la chambre de sa sœur. Hum... Grace... elle la regrettait quelque fois. Elle n'était pas très futée, mais elle savait tenir une maison. Et elle avait de bon goût vestimentaire, dans l'ensemble. Mais en même temps, elle n'avait pas l'étoffe d'une vampire, il valait mieux qu'elle demeure une pauvre humaine sotte.

Comme Yvan un peu plus tôt dans la suite de son père, elle ouvrit en grand les portes de l'armoire en bois sombre de sa sœur. Elle examina les robes une par une. Hum... trop moche. Celle-là non plus, le rose ne lui allait pas au teint. Ça, non, elle n'était pas une nonne... Elle eut un temps d'arrêt. Tiens, celle-là, elle était à elle. Et elle était parfaite.

La robe sous le bras, elle retourna dans ses appartements. Des bougies allumées avaient été disséminées partout dans la pièce. Et la porte de sa salle de bain était ouverte sur une baignoire fumante.

Elle abandonna sa trouvaille sur le lit, et enleva ses bottes à la va va-vite. Son manteau fut, en revanche, soigneusement déposée sur un porte-manteau non loin, mais elle sema le reste de ses vêtements comme si c'était de vulgaire loques en contournant le lit pour examiner une table de nuit. Elle sortit une boite d'un tiroir, qu'elle ouvrit, et dont elle examina attentivement le contenu avant d'en extraire une lime à ongle. Celle là serait parfaite.

Elle était déjà entièrement nue avant d'avoir franchie le seuil de sa salle de bain. Elle abandonna sa lime sur un meuble à proximité du bac d'eau, et se glissa avec délice dans l'eau bouillante. Elle prit le temps de s'immerger complètement, pendant un moment. Puis elle émergea de l'eau, ses cheveux trempées plaqués contre son crâne.

Elle examina son ongle d'un œil critique, puis attrapa une serviette pour caler sa nuque contre le bois de la baignoire. Elle fit tournoyer la lime à ongle entre ces doigts puis commença à s'occuper de son ongle. Il lui tardait déjà d'être à ce soir...