A nouveau, son monde s'était effondré, puis reconstruit, lorsqu'il avait appris la nouvelle. Grim était en vie. Grim. En vie. Non, il n'avait pas tout fracassé dans son bureau. Non, il ne s'était pas mis à hurler de joie. Sa réaction avait été purement "allickienne". L'homme avait saisi ses flingues et son manteau, réunit un troupeau de mafieux, plus quelques special guests, et s'était dirigé vers la Maison Blanche.

Sitôt arrivé, le massacre avait commencé. Sodome, Gomorrhe et son poignard avaient été très utiles, ils avaient fait couler le sang. Beaucoup. Oui, un massacre. Car Allic était déterminé à supprimer froidement tout Milicien qui se mettrait entre Grim et lui. Son visage était un masque figé. Il avait sèchement ordonné à ses hommes de ne pas faire de quartier et avait réuni une équipe d'élite autour de lui. Tony et les hommes de ce dernier, Mouloud était en train de dévaster une partie du Q.G. avec les siens. Une fois bien infiltré à l'intérieur, Allic se mit en quête. Il tuait toujours, presque automatiquement. Et tout autour de lui, du sang, du sang, du sang. Un écran écarlate, comme un rideau. Sa peau se teintait peu à peu du fluide, son visage au début moucheté semblait être recouvert d'un masque. Sans propriété exfoliante.
Il finit par repérer un mec qui semblait savoir quelque chose, fonça sur lui, le chopa par le col et écrasa le canon de Sodome sous son menton. A son poignet, pendait la petite croix en argent, elle aussi bizarrement teintée de rouge.

"Où est Grim ?" fit il froidement.

L'autre se mit à chialer. Allic n'avait pas de temps à perdre. Il appuya sur la détente et lâcha l'homme avant qu'il ne meurt.
Le mafieux s'enfonça avec sa petite garde personnelle dans les étages sous-terrains. Il défonçait des portes, interrogeait des Miliciens, butait à tout va. Son esprit était fermé. Il ne ressentait aucune émotion. Pas même l'espoir. Il ne voulait pas être déçu.
Le voilà arrivé au niveau des prisonniers. Il y avait des gens. Aucune tête blonde au corps fin. Tiens, ici quelqu'un jouait avec un rat. Allic visita toutes les geôles. Rien. Rien, rien, rien. Et puis, alors qu'il repassait devant certaines cellules pour remonter ou descendre, il n'avait pas encore décidé, quelque chose en lui se modifia. Il eut le souffle coupé et cessa aussitôt tout mouvement. Là, l'évolution de son pouvoir s'était encore manifestée. Il avait capté quelque chose. Il...

Allic tourna la tête, reprenant sa respiration. Et lentement, il descendit les deux marches en béton. Il avait du mal à prendre de l'oxygène, devait se forcer à chaque fois, sa poitrine était oppressée. Sur le lit, ou ce qui servait de lit, il y avait quelqu'un qui ne ressemblait pas du tout à Grim. Pourtant, son instinct le poussait vers cet homme. Ou cette femme d'ailleurs. On ne pouvait savoir vu l'état délabré du corps.

"Boss, qu'est-ce que tu fais ?"

Tony. Allic l'ignora et s'arrêta à quelques pas de Grim ? Cet être fouillait la fourrure d'un rat gris. Allic avait envie de vomir. L'apparence de cette personne était affreuse. Pas qu'il n'ait jamais fait pire avec ses victimes. Mais tout en lui transpirait la déchéance. C'était écœurant. Pourtant, c'était lui. Oui, à force de le fixer, il ne pouvait que le reconnaitre. Changé, mais bien lui.

"Grim..."

Ses lèvres avaient bougé. Mais aucun son n'était sorti de sa gorge. Il serra ses doigts sur la crosse de Sodome... Et envoya le canon de l'arme contre la mâchoire de Grim. Puis, Allic, les larmes aux yeux, sauta sur le vampire, le tenant par le col pour le rapprocher de son visage. Il empestait le vieux sang. Mais lui-même était dans un état sanguinaire.

"Tu m'as abandonné... Tu nous as tous abandonnés..."

Sa voix tremblait. Il prit une respiration, difficile. C'était comme si ses poumons et sa trachée étaient obstrués par du coton. Et enfin, il l'embrassa. Peu lui importait l'état du vampire, qu'il ait un abominable goût de sang. Qu'il empeste. Qu'il soit décharné. Ou autre. Il l'aimait à en crever. Et peut être que ce n'était qu'un rêve, ou un sursis. Mais il s'en foutait. Au moins, il l'aurait revu une ultime fois. Au moins, ça. C'était suffisant. Ce devrait l'être. Il était préparé. Préparé à ce qu'on le lui enlève une nouvelle fois. Et ça, il le serait à jamais.

San attendit qu'il soit parti pour porter sa main à sa joue et étouffa un juron, il lui avait fait mal ce con ! Il soupira et remonta placer deux autres charges sur des murs porteurs. Se faisant le plus discret possible puisqu'il n'avait rien pour se défendre, il n'avait pas envi de se faire prendre et se faire tirer comme un lapin*. Il ne prit pas le temps d'inspecter réellement les lieux, tremblant d'excitation en s'imaginant le résultat final, il songea à prévenir Allic que sa petite surprise péterait dans moins d'une demi heure. Peut-être devrait-il le prévenir, si il n'avait pas été aussi bien payé, il l'aurait surement fait sauter avec les autres. Pour le fun. Mais là, non seulement il perdrait un bon salaire, mais Monsieur-je-te-claque-la-gueule-parce-que-je-suis-contrarié lui ferait très certainement la peau. Il repensa à Kalem, qui s'était pris une balle dans la poitrine quelques minutes auparavant et n'avait pratiquement pas bronché. Merde... il était humain pourtant ! Ou peut-être hybride finalement. Ou même.. non non. Il ne pouvait pas être un vampire ! Ça ce serait su sinon ! San préférait les éviter si c'était possible, il l'aurait senti quand même.

"Oh l'angoisse."

Il soupira. Non mais dans quelle merde était il allait se foutre ? Réalisant peu à peu, ou plutôt soudainement, qu'il était un terroriste s'apprêtant à faire péter la maison blanche, et qu'il était lui même paumé dans ce trou à rat. Huhu ~ que du bonheur. Sortant de sa cachette entre deux bureaux après avoir regardé passer deux hommes armés qui se précipitaient vers les geôles. Lui même décida de prendre la tangente sans plus attendre. Déambulant dans plusieurs couloirs, il ne s'arrêta à un croisement que lorsqu'il heurta quelqu'un de plein fouet, s'écartant brusquement, il soupira de soulagement en reconnaissant "l'ami" de Kalem. Oui c'était bien lui, il l'avait rencontré une fois alors qu'il était venu chercher son fric chez l'autre sauvage.

"Oh LaPluie. C'est que toi."

* Je suis la seule à avoir vu un double sens ?

Lorsque la bague encercla à nouveau l'annulaire droit de Grim, Allic l'embrassa, puis posa ses lèvres sur le dos de la main, avant de presser doucement les doigts frais du vampire entre ses paumes chaudes. Des coups de feu retentirent, Allic leva la tête pour voir Grim sursauter. Il s'en inquiéta. Qu'avait il subi ici ? Pourrait il un jour en parler ? Allic se releva, proposant à Grim sa main pour qu'il se relève. Mais son fiancé lui avoua son impuissance à mettre un pied devant l'autre.

"Ce n'est pas grave, " lui assura le mafieux, car il avait l'air d'en être démoralisé.

Allic lui cacha bien son inquiétude supplémentaire. Il aurait plus de mal à le protéger s'il devait le porter, car il encombrerait ses bras. Mais tant pis. Il n'avait d'autre choix que de tenter le coup.
Allic se courba pour saisir tendrement Grim par la taille et le serrer contre lui, en douceur. Il ne tenait pas à casser quelque chose. Il saisit Sodome et glissa son bras sous les genoux de Grim, avant de le soulever. Ce fut très facile. Il remarqua le rat qui se nicha sous les mains du vampire, mais ne fit aucun commentaire. L'animal n'était pas aussi répugnant que son fiancé. Le mafieux ajusta sa position et fit en sorte que Grim puisse se reposer contre lui et respirer son odeur, se servir de son corps comme un rempart contre la réalité. Il aimait en cet instant leur différence de taille, très pratique.

Lorsqu'il sortit, Allic remarqua d'abord l'absence de ses hommes. Ils n'avaient certainement pas eu d'autre choix, car jamais Tony ne l'aurait abandonné dans le cas contraire. Tant pis. Il consulta sa montre en se tordant le poignet. Il devait sortir. San devait être sur les lieux et avoir posé la bombe. En tout cas, ça ne devrait pas tarder. Le problème était qu'il avait progressé sans trop se soucier du retour, ne pensant qu'à sa vengeance et Grim.

"Bon, c'est pas grave. On va se débrouiller."

Allic courut au petit trot, attentif. A chaque angle, il s'arrêtait quelques secondes et usait de son pouvoir améliorer pour scanner les lieux. Parfois, il percevait une présence, arrivait généralement à savoir s'il s'agissait d'un ami ou d'un ennemi, et tirait ou pas selon les cas. Ils purent ainsi progresser sans heurt, sinon pour les miliciens.
Avant de pousser une porte, Allic refit son petit manège. Ce qu'il perçut était si flou, cependant, qu'il hésita. L'homme libéra un peu son bras de la nuque de Grim, pour être prêt à tirer. Avec son pied, il fit pivoter le battant et pointa son flingue sur la silhouette qu'il avait immédiatement repérée. Non, il ne faisait pas sombre, mais il fallait procéder par étape. La seconde suivante, il le reconnut. Lui.
Allic prit une inspiration pour calmer ses émotions, ne désirant pas qu'elles percent dans sa voix, et lança sur un ton détaché :

"Kalem !"

Qu'est-ce qu'il foutait là au juste ? Allic doutait cependant qu'il soit avec les miliciens. Il était bien trop pervers pour cela.

"Aide moi," commanda-t-il en s'approchant.

Cela lui creva le cœur, mais il offrit à Kalem de porter Grim. Son expression exprimait parfaitement ses réticences, mais les faits étaient là. Sa dextérité était trop peu négligeable pour qu'il la gaspille. Il devait pouvoir tirer avec toute son habileté. En cet instant, son dernier souhait était de mourir. Ca donnerait la victoire à Kalem. Et puis, ça mettait son "rival" au rang de plus piètre tireur que lui, ce qui était une forme de satisfaction.

Alors qu'il tendait son fiancé à Kalem, il remarqua une tâche qui empourprait le vêtement de l'homme et il fronça les sourcils. Il connaissait trop bien les tâches de sang pour se tromper. Il s'agissait de celui de Kalem.

"Ca va aller pour ça ? fit-il sans grande sollicitude dans le ton en pointant le torse de Kalem du menton. Je vais garder Grim si tu es blessé."

Il se détourna avec son homme et s'apprêta à poursuivre sa route, balayant les lieux du regard. Sauf que son pouvoir s'activa sans qu'il le veuille, comme la plupart du temps. Et les informations qu'il reçues le firent tressaillir. Allic se tourna à demi vers son rival, tendu. Il avait même frissonné. Est ce qu'il se trompait ? Avait il mal interprété cette sensation ? Sans faire face à Kalem, décidé à le confondre, il lança :

"Alors ? Tu peux le porter ou pas ?"

Passer un après midi tranquille chez soi c'était... Pénible. Affreusement pénible. Heureusement, une journée calme était rare à Modernis quand on était une petite fouineuse comme Hedwige Beackerman.
La jeune femme trainait dehors, dans son quartier, quand elle vut l'un de ses indics mafieux courir dans sa direction, dès qu'il l'eut reconnue. Elle afficha un grand sourire dès qu'elle l'eut identifié et l'accueillit tout essoufflé. Elle n'avait pas couru à sa rencontre, des fois qu'ils se soient percutés dans l'élan.
-Hedwige ! Haa ! Haaa !
-Heu... Oui, quoi ? Vas y, du calme. Prend ton temps quoi ! Hahaha !
Mais il l'agrippa par les manches courtes de son t-shirt et se mit à la secouer.
-Tu te souviens que tu m'as dit de te prévenir de tout ce qui se passait d'important chez nous ?débita-t-il avec une rapidité hors du commun.
-Oui, oui.
Ses yeux se mirent à briller d'intérêt.
-Et ben...
[...]
Quand il eut terminé, Hedwige laissa ressortir toute l'exultation qu'elle avait précédemment et difficilement contenue, pendant tout le récit.
-AAAAAH ! C'EST TROP GENIAL ! A L'ASSAUT !
Elle se précipita dans la rue et stoppa à l'embouchure. Se retournant vers le mafieux elle lança d'une voix forte :
-C'est par où déjà ?!
A bout de souffle, l'homme lui indiqua une direction du doigt. Une direction qu'elle emprunta immédiatement, se ruant vers la Maison Blanche.

Quelques minutes plus tard...
Hedwige trouva des hommes qui couraient, s'enfuyaient. Elle reconnu des miliciens. S'approchant, elle entendit des coups de feu. C'était la folie dans le quartier. Evidemment, personne ne pouvait appeler la police. Puisque la police était en ce moment en train de subir une grave déconfiture de la part de la grande mafia. Elle n'en était pas spécialement ravie, ni le contraire. Non, juste intéressée. Très intéressée ! *µ*

Hedwige rentra pas une fenêtre à l'arrière, dont la vitre était déjà brisée. Elle ne voulait pas se frotter à une arme mais avait envie d'être au cœur des choses. Si elle croisait son frère ou un des hommes qu'elle connaissait, qui savait ? Elle pourrait peut être l'aider.
Après une déambulation de quelques minutes, Hedwige tomba sur des objets sur lesquels elle ne put s'empêcher de conjecturer. C'était une BOMBE ! Non. DES BOMBES ! WAHOU ! Ca c'était cool ! Elle vérifia tout de même la minuterie, s'assurant qu'elle avait du temps devant elle pour visiter un peu, et se dirigea enfin vers les quelques voix qui lui titillaient l'oreille.
La jeune femme tomba sur deux jeunes hommes, dont l'un avait une vraie bille de clown Cyber. Elle sourit, se retenant d'éclater de rire. Et puis, elle remarqua la jeunesse de l'autre.

"Hey les mecs, salut ! Vous êtes avec qui ? Les gentils ou les méchants ?"

Hedwige se présentait encore comme un mec. T-shirt noir à manches courtes, jean usé bleu, tennis plates bleu clair assez pétant, casquette gris foncé sur ses cheveux bruns noués en queue de cheval.