Le voyage avait un objectif simple, clair et précis. Et la voyageuse était déterminée, entêtée et parfaitement sérieuse. Elle n'avait pas l'intention de se laisser démonter par qui ou quoi que ce soit. Elle ne reculerait devant rien, ne ralentirait pas, sauf peut être pour s'offrir un casse croûte, parce qu'il fallait bien manger et qu'il y avait un moment qu'elle n'avait pût s'adonner aux douces folies de la chasse.
C'était une vampire, reconnaissable à sa peau froide et pâle, ses yeux d'un bleu de morte et surtout sa manière de se déplacer : rapide. Surhumaine. Elle avait parcouru la distance séparant New Esperanza et Modernis State en quelques heures, courant. Oui, elle avait couru. Car elle n'avait pu mettre à sa disposition aucune voiture, ni même une simple calèche, ou même un esclave porteur. De toute façon, l'esclave porteur aurait été moins rapide et ici, il n'était pas question de parader. Notre vampire ne défilait pas devant sa populace éblouie par sa beauté et sa prestance, elle se déplaçait pour une affaire grave.

Elle arriva, toute emmitouflée dans une grosse cape bleu ciel, aux abords de la ville du milieu. Une ville peuplée d'humains, un véritable réservoir à nourriture. Malheureusement, quand ils étaient aussi nombreux, les humains se défendaient contre les vampires. Et puis, le monde était ainsi. Il y avait Gothik City, Modernis State et la Junkyard. L'équilibre ne pouvait être controversé. Le monde devait rester tel quel. Déjà, l'existence d'une colonie humaine dans les montagnes, à savoir New Esperanza, était pour elle une infamie surnaturelle, qui bouleversait l'ordre établi.

Les portes de la ville étaient gardées, comme il se devait. Il s'agissait d'hommes armés, potentiellement dangereux compte tenu de ses facultés physiques. Néanmoins, elle s'approcha sans hésitation. Deux des gardes s'approchèrent, pointant leurs armes bizarroïdes sur elle. Ils la sommèrent de s'arrêter, ce qu'elle fit. Visiblement, une femme provenant du désert, à pieds et seule, avait de quoi les inquiéter. Finalement, elle leur dit qu'elle avait à faire dans la ville. Ils l'étudièrent, elle, sa beauté, sa robe de princesse avec soieries, fourrures blanches et perles, puis lui demandèrent si elle était humaine. Ce à quoi notre vampire répondit immédiatement :

"Non."

Les autres montrèrent une mine soupçonneuse. Qu'y avait il donc ? La vampire haussa un sourcil interloqué. On ne faisait pas attendre une princesse ! Néanmoins, elle décida d'être patiente, car ces gens avaient peut être des coutumes différentes.

[...]

Evitons le détail. Sachez simplement que les gardes, qui étaient de la Milice, doutèrent de la véracité des paroles de notre voyageuse et la testèrent au bras de fer. Elle perdu et put pénétrer Modernis State sous les rires gras et incompréhensibles de ces messieurs, rustres s'il en fallait.

Elle se mit ensuite à déambuler dans les rues, jusqu'à arriver dans une zone remplie de boutiques. Mais quelles étranges boutiques ! Les vêtements dans les vitrines étaient si pauvres, si simples. Et pourtant à des prix exorbitants. Où étaient les dentelles, les fourrures, les perles ? Oui, les Modernis étaient des gens bien pauvres en vérité.

Comme à chaque fois où il allait à une soirée, Yun ne pouvait s'empêcher de s'acheter de nouveaux vêtements, d'aller dévaliser les boutiques même si sa garde robe était pleine à craquer, de claquer de l'argent à n'en plus pouvoir, et surtout d'y prendre des heures sans jamais se décider. Et donc, le jeune homme était là depuis l'ouverture des premiers magasins, il avait eu un mal fou à se réveiller, se rappelait juste de son Hyun déjà levé et frais lui demandant de revenir vite. Yun s'était contenté de hocher la tête sans rien promettre, et il avait bien fait, ça faisait déjà trois heures et demi qu'il était là ! Mais sa moitié lui pardonnerait, déjà parce qu'il allait lui faire une surprise (surprise qui allait encore lui couter la peau des fesses mais rien n'est trop beau pour Hyun), parce que lui aussi était invité et avait quand même mis un vingtaine de minutes à choisir son costume, et parce qu'à chaque fois qu'ils se chamaillaient, l'un des deux finissait par sauter sur l'autre. En général c'était lui..

Yun réalisa qu'il se regardait dans le miroir depuis dix bonnes minutes, et que la vendeuse était toujours à ses côtés, lui tenant trois pantalons, cinq chemises, deux vestes et d'autres vêtements. Souriante, elle se contentait de le regarder ou de lui dire "Oh oui ça vous va vraiment bien ! J'aime beaucoup ça vous met en valeur et patati et patata." Bref inutile, parce qu'à chaque fois, le chanteur disait qu'il les prenait, et arrivait à la caisse, et à chaque fois.. il changeait d'avis. Sauf que là, il savait que la femme à côté de lui ne tarderait pas être agacée, elles ne tenaient jamais plus de cinq heures avec lui, après elles pétaient un câble et allaient en appeler une autre pour s'occuper de lui. Ça n'empêchait pas à Yun de se demander pourquoi Hyun ne voulait jamais faire les boutiques avec lui.

Il osa jeter un regard à la vendeuse qui esquissa un sourire, ah elle était nerveuse, elle jouait avec ses ongles et tapait du pied. C'était signe qu'il fallait se dépêcher, parce que si elle lâchait les affaires qu'elle portait, il serait obligé de tout recommencer. Yun se regarda une dernière fois dans le miroir, il se plaisait comme ça, bon ce n'était pas spécialement un costume. Juste un très bel ensemble, genre pantalon en toile noire, chemise blanche et veste noire laissée ouverte bien entendu. Le garçon pinça les lèvres.

"Hm... Je pense que je vais le prendre."

La vendeuse laissa échapper un soupire de soulagement et leva les yeux au ciel comme si elle remerciait Dieu. Elle lui dit qu'elle allait ranger les autres affaires en attendant et Yun la laissa partir. Il retourna se changer, remettant son slim, ses bottes en cuir, son tee-shirt et sa veste, tout l'ensemble de la même couleur : noir.
Le chanteur sortit de la cabine d'essayage en remettant bien ses colliers, les deux seules croix qu'il portait, l'une en or blanc avec quelques diamants incrustés, presque discrète. Et l'autre plaqué or et nettement plus grande et bel et bien visible, leurs chaines s'emmêlaient à chaque fois. Il se reprit d'admiration pour son reflet et rejoint la vendeuse qui l'attendait à la caisse et semblait presque contente de s'en débarrasser. Yun sortit son portefeuille et réfléchit, puis leva les yeux vers la fille.

"En faite je vais prendre celles de tout à l'heure aussi. Au cas où.. Ah et des gants en soie noire s'il vous plait !"

[...]

Yun ne sortit qu'une demi-heure plus tard du magasin, un sourire ravi illuminant son visage tandis qu'il cherchait la bijouterie. Il s'arrêta devant la vitrine et croisa l'un des membres qui les avait rejoint depuis peu, un frisson le traversa et il tourna la tête dans l 'espoir qu'il ne le reconnaisse pas. Malheureusement, le grand brun le repéra, le rejoint et posa une main ferme sur ses épaules en lui faisant un grand sourire.

"Yun t'as pas assez de bagues et de conneries comme ça ?"

Pour confirmer la chose, il prit les mains du garçon dans les siennes et les regarda, trois bagues à la main gauche et deux à la droite. Il alla ensuite tripoter les deux croix qu'il portait et sa main fut repoussée doucement.

"C'est.. Je... Je vais me faire percer !"

"Encore !"

Yun lui tira la langue et une main vint ébouriffer sa magnifique chevelure noire, lui tirant une grimace. Il soupira longuement et le regarda dans les yeux avec une mine exaspérée, ce qui eut pour effet de faire éclater le grand brun -dont il ne se souvenait jamais du nom- de rire.

"T'es mignon quand tu fais le méchant... mais t'es pas crédible. Bon allez, on se retrouve sur scène. Vingt deux heures, sois pas à la bourre !"

Et il s'éloigna, enfin, Yun soupira de soulagement, ce mec n'était pas discret, et en plus il était chiant. Comme si il avait déjà été en retard pour un concert. Lui ! Jamais, il ne ratait jamais une occasion d'exercer sa passion, il serra le sac de vêtements dans sa main et se tourna à nouveau vers la vitrine, pensif. Qu'est-ce qui pourrait plaire à Hyun ? En plus il n'était même pas sur que la bague lui irait, il lui aurait fallu qu'il soit là... Bon. Il avait déjà claqué assez pour aujourd'hui, il secoua vivement la tête comme pour se convaincre et aperçu une jeune (?) femme regardant à une vitrine et qui ressemblait plus à une princesse sortie d'un conte de fée qu'autre chose... En plein Modernis ? Pas très discret pour une princesse de conte de fée. Ou alors elle aussi allait à ce bal organisé par Monsieur Machin dont il ne se souvenait pas non plus du nom ? Surement. Quoi que la théorie du conte tenait aussi, belle et pâle comme elle était. Il se prit d'admiration pour elle, jouant avec sa boucle d'oreille offerte par ses sœurs, la détaillant sans aucune gêne, où avait-elle pu acheter une robe pareille à Modernis ? Il laissa de côté sa timidité maladive, décidant de faire un effort, de se lancer un vrai défi, et alla voir la jeune femme, un léger sourire étirant son visage, un air décontracté et une voix presque enjouée.

"Excusez moi Ma.. Euhm.. Mademoiselle."

Lorsque la jeune femme daigna enfin se tourner, Yun put la détailler en silence, la passant au scanner de son regard plein de curiosité et de douceur sans dire un moment. Sa réponse, ou plutôt le ton qu'elle avait pris avait légèrement refroidit le brun qui fut tenté de changer d'avis, mais non, il devait bien faire un effort. Et la robe qu'elle portait.. Ah il devait absolument savoir dans quel magasin elle l'avait eu ! Il remonta et se perdit à la contemplation de son visage, oh oui. Elle était belle, très belle. Mais avait l'air beaucoup trop froide à son gout, pas assez souriante, et son regard lui faisait froid dans le dos. Lorsqu'il s'en rendit compte, il secoua doucement la tête en passant une main dans ses cheveux et esquissa un sourire timide.

"Excusez moi de vous déranger mais je voulais vous demander.. il marqua une pause sans la quitter des yeux, vous aussi êtes invitée au bal ?"

Il connaissait pratiquement tous les invités, mais il n'avait jamais vu cette fille, l'hôte était un ami de son père, plutôt âgé mais assez sympa et bon vivant qu'il considérait presque comme son grand-père, et leur avait demandé de venir chanter quelques chansons pour son bal, essentiellement des balades. Il avait mis une scène et tout ce qu'il fallait à leur disposition. Pas trop dur, puisque cet homme était pété de tunes. Yun n'était allé qu'une fois chez lui, mais ça avait suffit à le marquer, la maison.. enfin maison, le manoir ou tout ce que vous voulez, qu'il possédait était immense et richement décoré, un peu dans le genre Gothik apparemment. Et le vieux leur avait expliqué qu'il avait toujours rêvé de vivre à la City.

<< Mais bon vous savez aussi bien que moi pourquoi ça m'est impossible. >> avait-il dit.


Yun avait hoché la tête, même si il ne savait absolument pas pourquoi, peut-être que la météo lui déplaisait ?

Enfin, de toute façon une centaine de personne étaient invitées alors il pouvait se permettre d'oublier quelques visages. Ce qui lui paraissait le plus étrange, c'est qu'elle soit déjà habillée pour aller au bal. Après tout.. Ça ne commençait qu'à vingt deux heures, elle avait largement le temps de se changer vu l'heure qu'il était. Il s'humecta les lèvres, et se rendit compte qu'il ne s'était pas présenté, pas très poli ça.

"Ah oui.. Je suis Kim Yun Seong. Mais tout le monde m'appelle Yun."

Elle ne l'avait peut-être pas reconnu, elle ne connaissait peut-être même pas Along Forever, la honte. Pour elle bien sur. Mais Yun ne pouvait pas lui en vouloir, on n'a pas tous les même gouts, et elle n'avait pas une tête à écouter leur musique, même si leurs balades étaient les plus belles. Un léger sourire revint étirer ses lèvres lorsqu'il pensa à Hyun et il reprit.

"Et vous ?"

La réponse tarda. Urielle remarqua bien évidemment que le garçon la détaillait des pieds à la tête. Et elle n'apprécia pas du tout. D'ordinaire, c'était elle qui jaugeait les gens ainsi. En tout cas ouvertement. Cela dit, son regard était plutôt doux, ce qui jouait en sa faveur. Il était Modernis et... adorable à regarder. Elle lui pardonnait cet écart. Humain ignorant.

Finalement, il aborda le sujet qui l'avait enjoint à l'importuner d'une manière aussi informelle. Un bal. Intéressant. Très intéressant. Elle réfléchit rapidement et les possibilités qui venaient de s'ouvrir à elle ne tardèrent pas à affluer dans son génie intellectuel. Immédiatement, un plan s'imposa. Qui impliquait de jouer la comédie, ce qu'elle était loin de détester. Il s'agissait de tromper après tout. Même si elle aimait aussi beaucoup énoncer les vérités les plus blessantes.

Elle marqua une petite hésitation sur son visage, fouilla un instant la rue des yeux avant de revenir sur le garçon. La princesse parla d'une voix qui n'avait plus rien de froid. Elle y avait mis un soupçon d'inquiétude.

« Oui. Je suis en effet invitée au bal. »

Et puis, il se présenta. Kimiounséongue. Quel nom étrange. Elle supposa que Kimioung était son prénom. En tout cas, elle n'avait jamais entendu parler de la famille Séongue. Mais peut-être étaient-ils réputés à Modernis State. Cela dit, elle connaissait assez bien les grandes influences de la ville du milieu, pour les avoir étudiées. Il était donc possible que la famille de ce jeune homme ne soit qu'invitée et non organisatrice. Cela l'arrangeait bien, car il lui serait alors plus facile d'appliquer son plan.
Kimioun lui demanda ensuite quel était son nom. Cela encore, elle n'en avait guère l'habitude. Aussi, elle ne lui répondit pas de suite. Puis, souriant, elle fit :

« Je m'appelle Urielle Morrow. »

Petite pause. Et elle feignit de se rendre alors compte de quelque chose.

« Oh ! Mais si vous êtes aussi invité au bal... »

Elle se précipita en avant et saisit les mains du jeune homme entre les siennes. Heureusement que ses doigts étaient gantés, il ne se rendrait pas compte de la fraicheur de sa peau.

« Aidez-moi, je vous en supplies ! Je viens de New Esperanza, une nouvelle colonie dans les montagnes. Et... Et... Oh, je perds mes mots. Je suis à la recherche de mon père, Gabriel Morrow. Je sais avec certitude qu'il ira au bal aussi, quand j'ai reçu l'invitation, je me suis sentie folle de joie ! Car j'allais pouvoir le retrouver au plus vite. Je dois absolument m'entretenir avec lui, c'est d'une importance capitale ! »

Elle laissa quelques larmes affluer au coin de ses yeux.

« Mais je suis si sotte que... J'eus à peine franchi les portes de Modernis State que je me suis rendu compte que j'avais oublié mon invitation. Je n'ai ni le temps de retourner la chercher, ni de me la faire envoyer. Je vous le demande encore, je vous l'implore, aidez-moi ! Permettez les retrouvailles d'un père louable et de sa fille aimante. Pour le bien de leur famille ! »

Oh, elle n'y allait pas de main morte, c'était certain. Pourquoi faire. Le jeune homme semblait plutôt sympathique. Autant jouer à fond la comédie. Restait un petit détail. Mais ce serait-ce pas... trop ? Tant pis. Elle passerait pour une faible voilà tout.
Urielle tomba à genoux sur le trottoir, la tête baissée. Une larme vint colorer le bitume avant qu'elle n'essuie ses yeux à l'aide d'un mouchoir bordé de dentelle.

Yun ne perdait pas son sourire, tâchant d'avoir l'air aimable et sympathique. Et il réussit, apparement, puisque la jeune femme lui sourit à son tour, et se présenta elle aussi. Le sourire du brun s'étira sur ses lèvres. En plus, elle était elle aussi invitée au bal. Quoi qu'il aurait été étonné du contraire, habillée comme elle l'était.

Le reste alla peut-être un peu trop vite, Urielle qui passait de neutre, à étonnée, puis inquiète, et soudainement en larmes. Le chanteur resta interdit quelques secondes, la regardant avec de grands yeux surpris. Puis il se ressaisit et s'accroupit, allant saisir doucement ses avants-bras et l'incita à se redresser, après tout ce n'était pas digne d'une demoiselle de se comporter ainsi. Il la fixa ensuite dans les yeux, la lâcha et s'écarta en se massant la nuque. Réfléchissant.

"Ne vous mettez pas dans cet état là. Je vais essayer de vous faire rentrer. Mais.. Je ne vous promet rien."

Il pourrait toujours faire demander ce Gabriel avant de la faire entrer, l'ami de son père le connaissait forcément. Il lui en parlerait plus tard.

"Par contre le bal ne commence que dans.. il sortit son portable et regarda l'heure, houla.. Sept heures. Pour vous."

Ils étaient larges. Enfin pas Yun, il devrait arriver deux heures à l'avance, le temps qu'ils s'organisent lui et le groupe, mais avant qu'il choisisse comment s'habiller pour leur prestation, puis son costume pour le bal... Il rangea son portable dans la poche de son jean et lui adressa un sourire, il ne pouvait pas la laisser comme ça dans Modernis. Bien qu'Urielle Morrow soit censée savoir où habitait leur hôte de ce soir. Surtout fringuée comme elle était.

"Je dois me préparer pour tout à l'heure. Vous voulez venir ?"

Hyun ne devait pas être à l'appartement. Il ne lui en voudrait donc pas si jamais le jeune homme invitait une amie (ou plutôt une fille complétement paumée à la recherche de son papa) en attendant de pouvoir l'aider à aller au bal.

"Je vais essayer mon costume, apparemment vous avez déjà le votre alors.. Vous me direz si ça convient ? il marqua une pause, sans avoir perdu son sourire ne serait-ce qu'une seconde, une pointe de curiosité l'envahissant, et vous pourriez me parler de New Esperanza ?"

Après tout, il n'avait encore jamais quitté Modernis. Alors si il pouvait en apprendre sur les autres cultures..

Yun et la jeune femme se mirent à marcher tranquillement tous les deux, le jeune homme préféra rester à une certaine distance de Mlle Morrow, effrayé à l'idée de marcher sur un pan de sa robe et de voir une si belle créature se gauffrer en beauté par sa faute. Mais ça, il y aurait eu très peu de risque que ça arrive, il pouvait être maladroit, mais rarement en présence d'une femme, même aussi froide qu'elle. Il y avait deux autres raisons, la secondes étant qu'il n'avait aucune envie qu'on le reconnaisse et qu'un scandale éclate comme quoi Yun avait déjà remplacé son ex future fiancée et avoir son Hyun qui lui pète un plomb pour rien. Mais aussi simplement parce qu'il ne la sentait pas, ou du moins une fois sur deux. Sa présence n'était pas la chose la plus agréable qui existe, cependant lorsqu'elle parlait, tout allait mieux. C'est du moins ce que pensa le chanteur jusqu'à ce qu'elle ne lui parle de New Esperanza, les humains pouvaient vivre sans crainte de quoi ? Il tourna brusquement la tête et la fixa avec de grands yeux étonnés, ne cherchant pas à cacher sa surprise. Et après un léger haussement de sourcil, il se reconcentra sur la route, tâchant de ne pas les perdre puisqu'il était né avec un sens de l'orientation bien pire que catastrophique. Par la suite, il évita de regarder Urielle, s'inventant encore toute une panoplie d'histoire folles que seul son imagination beaucoup trop fertile sur ce point pouvait inventer. Il en vint finalement à une conclusion qui lui parut parfaite en tout point. Mlle Morrow était malade. Une mythomane surement. Une groupie peut-être même ! Qui inventait n'importe quoi pour se rendre intéressante aux yeux du brin qui n'avait finalement pas grand chose à faire de la jeune femme. Yun esquissa un sourire lorsqu'elle lui proposa de l'emmener un jour où l'autre à New Esperanza. Acquiesçant d'un hochement de tête.

*Cours toujours.*

Il pinça les lèvres, perplexe, si c'était ne serait-ce qu'un semblant de fan, il n'allait surement pas la laisser rentrer dans son appartement à lui et à Hyun. Des fois qu'elle vienne y mettre une pagaille sans nom, quelle horreur ! Alors vite, il lui fallait un plan. Foireux, comme d'habitude. Mais un plan, ce serait déjà ça. L'inviter à prendre un café et envoyer un texto à Hyun pour lui demander d'appeler la police et leur dire que quelqu'un n'allait pas tarder à rentrer par effraction chez eux avec la fausse autorisation de Kim ? Non... trop foireux ça. Tiens en parlant de Hyun.. la poche de son jean vibra, faisant légèrement sursauter le garçon qui le sortit immédiatement le téléphone et ouvrit le message de son cher et tendre.

Message reçu : Hyunjoong <3
"T'as trouvé c'que tu voulais ?"

Le jeune homme répondit immédiatement par un "Oui, tu verras tout à l'heure tu me diras. Dis, tu peux téléphoner à Pépé et lui demander si il a invité Gabriel Morrow ?" tout ça en faisant en sorte que Mlle Urielle ne puisse rien lire, il referma ensuite le portable qui retourna à sa place d'origine et se repartit dans ses délires d'histoires farfelues. La princesse sortie d'un conte de fée fit éclater sa bulle peu après. Mais cette fois-ci, au lieu de l'inquiéter un peu plus, elle manqua de le faire éclater de rire, Yun parvint à se retenir et cacha son large sourire derrière une main qui alla se poser devant sa bouche ô combien adorée des groupies hystériques. Bon alors... soit elle était vraiment ignorante, soit elle se payait sa tête. Le chanteur opta pour la première option. Yun la fixa de son regard brillant de larmes , mince il devait avoir les nerfs dans un sacré état pour rigoler d'une chose aussi banale et... triste finalement. Très triste.
Une fois sa crise de rire difficilement cachée passée. Il fourra ses mains dans ses poches et la regarda avec un léger sourire en coin.

"Alors, vous ne me reconnaissez vraiment pas ?"

Mince alors, pourtant depuis qu'il avait posé pour une marque de vêtements il y a deux semaines de là, il y avait plusieurs affiches immenses dans la villes. Un léger soupire déçue traversa la barrière de ses lèvres sans qu'il ne se départisse de son sourire.

"Je suis l'un des chanteurs d'Along Forever. Nous avons été conviés par l'hôte pour y donner un concert. Si on peut dire ça comme ça... bien sur, ça sera essentiellement des ballades. Vous imaginez de la musique pop pendant un bal masqué. Enfin.. je serais enchanté que vous m'accordiez une danse."

Il sourit en s'imaginant Urielle danser avec sa robe sur l'une de leurs chansons, puis effaça cette idée de son esprit pour ne pas éclater de rire. Pauvre Urielle, c'était mal de penser ça. Méchant même, or Kim n'avait jamais fait preuve de méchanceté de toute sa vie. Alors il n'allait pas commencer. Il haussa les épaules.

"Dans tous les cas vous verrez ça ce soir ! Normalement. Enfin, ce sera peut-être filmé donc au pire si je n'arrive pas à vous fair-AH ! c'est là."

Ils arrivèrent devant un grand immeuble de quatre étages sans compter le rez-de-chaussée, c'était assez simplet. Mais au moins le couple avait leur intimité, même si ils n'allaient presque plus dans cet appartement puisqu'ils avaient emménagé avec les trois autres membres. Yun ouvrit la porte du hall d'entrée, appela l'ascenseur et s'engouffra dedans en attirant Urielle avec lui, pendant les quelques secondes de trajet RDC - troisième étage, le silence régna en maitre. Le chanteur n'avait jamais été très bavard et il venait de progresser dans la vie sociale d'un coup grâce à une femme qu'il ne connaissait pas. Ils furent enfin libérés, l'ouverture des portes fut accompagnée d'un "Troisième étage !" tout simplement inutile certainement installé là pour réveiller les locataires lorsque l'on rentrait vers deux ou trois heures du matin et se mettre tout le monde à dos. Il ouvrit ensuite la porte de l'appartement et laissa entrer Urielle qu'il accompagna jusqu'au salon et l'invita à s'assoir. Sa veste fut accrochée à un porte-manteau et il adressa un sourire craquant à la jeune femme.*

"Installez vous, si vous voulez quelque chose dîtes le moi. Je reviens !"

Il partit ensuite poser tous ses sacs de vêtements et les ranger soigneusement dans une armoire immense déjà bien remplie. Il avait honte, en tant qu'hôte, il aurait du faire plus attention à son invitée, mais là il était question de fringues, et de temps. Alors pour une fois ça passerait, il alla ensuite dans la chambre de Hyun, ou plutôt dans LEUR chambre puisqu'il dormait toujours avec lui et haussa un sourcil en voyant que son costume n'était plus sur le lit. Il soupira et décrocha son téléphone.

-Ouii ?
"Hyun, il est où mon costume ?"
-Comment tu veux que je saches ? Au faite, c'est qui ton gugusse là ? Sab.. Hm...
"Sabalczyck."
-Oui bon... Pépé se souvient pas d'avoir invité un Morrow.
"T'es sur ?"
-... T'es tombé sur quoi encore ?
"Mais rien rien ! Elle a perdu son invitation."
-Elle...?"
"Bah..."
-Bon. On en reparlera tout à l'heure.
"D'accord."

Les deux garçons raccrochèrent en même temps, Yun ne savait pas trop quoi faire, demander des explications à Urielle et la faire pleurer ? Non, pas pour le moment. Le garçon revint dans le salon où il avait laissé Urielle en
regardant ailleurs puis dit sur un ton évasif.

"Vous voulez quelque chose à boire ? Ou manger ?"

Effectivement, ce rustre ne lui proposa pas son bras. Sale petit... Urielle contint cependant son humeur, comme elle en avait l'habitude. La jeune vampire joignit ses mains sur sa jupe et marcha au même rythme que son guide, gardant un demi-pas de retrait. Elle voulait toujours faire croire à son humanité et une humaine marchait lentement.
Elle était en train de converser tout en se disant qu'elle devrait peut-être trébucher pour avoir l'air plus crédible, quand l'autre sortit un curieux objet de sa poche. Ca semblait passionnant, même s'il n'y avait à priori aucune page imprimée ou dessin. Oui, étrange. Urielle s'en désintéressa bien vite et reporta son attention sur la ville. Les odeurs ici étaient aussi mauvaises qu'à Gothik City, mais très différentes. Elle n'avait pas l'impression de déambuler au milieu de déjections humaines et animales. Elle avait l'impression que la ville elle-même rejetait ses propres déchets, agressifs. Comment les gens pouvaient-ils vivre dans un endroit comme cela ?

Quand elle lui proposa d'apprendre à danser, Urielle ne s'attendait certainement pas à la réaction qu'eut effectivement le jeune homme. Elle avait imaginé de l'admiration, de l'adoration peut-être même. Mais certainement pas de la moquerie. Oh, il avait voulu être discret, mais avec sa vue vampirique, c'était peine perdue pour le pauvre Kimioung. Elle tourna brusquement la tête sur le côté, dans un "HA !" des plus significatifs.
Et puis, l'autre lui parla si gentiment, presque avec inquiétude, que sa colère s'envola un peu. Un tout petit peu. Mais pas assez pour effacer de son visage son expression ardente du style "JE VAIS TE TUER !". Il la prenait pour une demeurée, une tarée ? Une déficiente ? Simple d'esprit ? Des tas d'autres synonymes insultants défilèrent dans sa tête, elle tâcha de ne pas trop les prendre pour elle. Sinon elle allait lui tordre le cou. Déjà, ses doigts serraient un bouchon de jupe avec force. Elle s'empêchait d'agir dans le sens de sa nature.

Elle secoua délicatement la tête. Bien sûr que non elle ne le reconnaissait pas ! Comment aurait-elle pût ? N'avait-il rien écouté ?

"Je ne suis pas de cette ville." rappela-t-elle sur un ton acide.

Elle apprit ensuite que le jeune homme était le chanteur d'Along Forever. Grand bien lui fasse. Elle, n'en avait cure. Ca ne lui disait absolument rien et elle ne désirait nullement en apprendre plus. Indice utile : il donnait donc un concert à ce fameux bal. Ah, alors il ne danserait certainement pas. Et puis, il parla de "filmer", mais elle ne comprit rien. Et décrocha. Heureusement, ils étaient arrivés.

Dans l'ascenseur, Urielle était encore trop en colère pour vouloir faire poliment la conversation. Peu lui importait qu'elle soit gracieusement invitée chez ce jeune homme. Elle était une princesse de sang, l'honneur était donc pour lui !
Le "troisième étage" surprit Urielle, qui n'en montra rien. Déjà, cet appareil était des plus étranges. Elle ignorait son nom et comment il fonctionnait. Mais comme l'humain ne semblait pas avoir peur, elle ne risquait rien. Les portes s'ouvrirent dans un petit "ting" et elle découvrit que le décor avait changé.
Son hôte la conduisit ensuite jusque dans un salon. Ce devait être la pièce réservée aux inconnus, on ne pouvait décemment pas accueillir un invité de marque dans un endroit aussi petit. Mais il ne la connaissait pas, ignorait même sa nature. Urielle comptait bien rester une énigme sur ce plan, même si l'ignorance des égards dus à son rang l'agaçait un tantinet.

Le jeune homme disparut. Quelle impolitesse. Urielle se leva et fouilla un petit peu, soulevant des papiers. Elle découvrit assez vite qu'une autre personne habitait ici et l'orthographe correct du nom de son hôte. L'entendant revenir, elle retourna à sa place, sage. Non, elle n'avait pas bougé et l'accueillit même avec un aimable sourire.

"Monsieur Kim Yun ?"

Ce dernier lui proposa alors de manger ou boire quelque chose. Urielle sourit un peu plus largement, lorgnant sur le cou de l'humain. C'était tentant. Très tentant. Mais non, elle en avait besoin. Quel dommage.

"Rien, merci. Quand partons-nous ?"

Elle avait préféré refuser plutôt que de s'intoxiquer avec de la nourriture humaine.

Yun était préoccupé, où avait bien pu passer son costume ? Son si beau costume digne d'un prince et son magnifique masque qui était là plus pour l'esthétique que cacher son visage. Cependant, il faisait tout pour ne rien montrer de son inquiétude à la belle Urielle, mais sa déception lorsqu'elle refusa qu'il lui offrit un encas fut visible sans difficulté. Pourtant, tout le monde savait qu'il était un bon cuisinier, c'était impoli de refuser ça. Refuser à Yun de faire la cuisine, un bon petit plat. Tout le monde aimait, tout le monde ! Alors comment pouvait-elle oser.. Mettre en doute ses talents culinaires ! Alors là, là c'était le pompom. Ou alors... ou alors peut-être Urielle était-elle au régime ? Le jeune homme la regarda de la tête aux pieds un nouvelle fois, avec un soupçon de curiosité. Pourtant elle était loin d'être grosse, ou même d'avoir trop de forme. En réalité il la trouvait parfaite sur ce point, oui physiquement elle était vraiment la fille idéale, des courbes parfaites, un visage parfait, aucun défauts visibles. Mais pour rien au monde il ne l'aurait voulu pour petite amie, elle était belle... mais trop froide. Pas assez douce, ni amicale, et à peine sympathique. Et elle avait eu de cette manière de le regarder tout à l'heure, une manière telle que Yun avait bien cru qu'elle lui sauterait dessus pour l'étrangler.

Finalement, le garçon décida de lui faire aucune remarque. Même si il fut tenter de lui dire quelques mots gentils comme "Vous savez je cuisine léger" ou "Pas besoin de faire un régime, vous êtes magnifique !", si jamais ce n'était pas le cas elle pourrait se vexer. Il s'humecta les lèvres et répondit juste :

"Yun, appelez moi juste Yun."

Personne ne l'appelait Kim à part Hyun, et toujours dans des moments très intimes. Il était le seul à pouvoir l'appeler comme ça, et Yami aussi. Même si il n'avait pas son autorisation, ce n'est pas comme si il aurait pu tenir tête à son cousin. Il lui rendit son sourire, cligna des yeux en la fixant comme si il avait eu une illumination, claqua des doigts et reprit :

"Donnez moi cinq minutes, je prend mon costume et on y va !"

Il tourna les talons, l'abandonnant une nouvelle fois en prenant moins de trente secondes. Le temps d'aller mettre sans dessus-dessous son armoire et d'y récupérer un sac de sport contenant son précieux costume. Ah, il avait de la chance de s'en être souvenu soudainement. Vérifiant qu'il y avait tout ce qu'il voulait à l'intérieur, il rejoint ensuite la fée et lui fit un signe de la main discret.

"On y va !"

Il attendit qu'elle le rejoigne dans le couloir s'apprêtant à fermer, le jeune homme s'arrêta en gardant la clef immobile dans la serrure et se tourna vers elle.

"Oh, j'ai oublié quelque chose. Vous pouvez appeler l'ascenseur ? Je reviens."

Rouvrant la porte, il s'engouffra dans l'appartement et retourna immédiatement dans sa chambre.

Il semblait quelque peu souffrir de son refus. Oh. Bien. Urielle souleva un sourcil délicat. Ce Kim Yun l'engageait à agir dans le cliché. Elle n'allait tout de même pas lui jouer ce tour ! S'avancer vers lui d'un pas de prédateur, lui confirmer qu'elle avalerait bien un petit quelque chose, puis le mordre au cou à la seconde où il aurait compris son erreur. Non, décidément, elle valait mieux que cela. La princesse se répéta encore une fois qu'elle avait besoin de lui. Il avait l'air si tendre, ce devait être très agréable de mordre sa chair. Non, non. Elle ne devait pas penser à cela.
Le jeune homme lui demanda ensuite de l'appeler seulement Yun. Une expression horrifiée apparut alors sur le visage d'Urielle. Le nommer... lui, un parfait inconnu... par son simple prénom comme s'ils avaient déjà folâtré ensemble et étaient intimes ? Son mari même ne souffrirait pas d'une telle familiarité avant des années. Elle ne tutoyait que son frère, et seulement lorsqu'ils étaient seuls. Ses parents, elle les vouvoyait. Et nommait tout le monde par ses nom et prénom, accompagnés du titre correspondant. Lui demander d'être aussi... familière avec lui ressortait de l'impossible pour Urielle. Ce n'était pas seulement par marque de politesse. La princesse ne désirait tout simplement pas établir un tel lien avec un être humain, encore moins un être humain de Modernis State.
Aussi, afin de ne pas le vexer et entrer dans une conversation longue et ennuyeuse, elle ne répondit rien du tout. D'autant que monsieur Kim Yun semblait content. Il eut alors une idée et claqua des doigts. Urielle eut une légère grimace, à peine perceptible. Le bruit avait été douloureux pour ses oreilles.

"Très bien, je vous attends."

Avait-elle le choix ? Les cinq minutes, qu'elles aient été plus ou moins longues que cela, lui parurent interminables. Elle ne voyait pas l'intérêt de fouiller une nouvelle fois et s'ennuya ferme. Aussi, lorsque monsieur Kim revint, elle se leva de son siège d'un bond, fière et droite. Enfin, ils allaient pouvoir y aller.

Tous les deux rejoignirent le couloir - les Modernis avaient des habitats bien étranges et Urielle se demandait ce que cachaient les autres pièces de la demeure - mais encore une fois, monsieur Kim lui fit faux bond. Et lui commanda d'appeler l'ascenseur. Urielle fixa la silhouette de son hôte jusqu'à ce qu'elle disparaisse. Et se tourna vers la boîte qui les avait menés ici. Ce devait être cela, l'ascenseur.
La princesse s'avança. Comment pouvait-on appeler un objet ? Ce n'était qu'un objet. Sauf s'il s'agissait en réalité d'une personne. Comme un portier, mais qu'on appellerait "porte". Il devait donc y avoir un ascenseurier.

"S'il-vous-plait ? Ascenseur !" fit-elle sur un ton impérieux.

Rien ne se passa. La vampire se mordit la lèvre inférieure et observa la boîte plus en détail. Il y avait des décorations étranges et incroyablement laides. Et oh ! Il y avait écrit "Appel" au-dessus d'une de ces décorations. La princesse se retourna un instant. Il n'était pas revenu. Elle se pencha alors et parla, il y avait peut-être quelqu'un qui écoutait derrière.

"Ascenseur !"

Elle se redressa. Non, toujours rien. Urielle vérifia à nouveau par-dessus son épaule et glissa ses doigts entre les portes de la boîte. Il y eut de la résistance, mais elle parvint à les ouvrir. L'intérieur était là, tel qu'ils l'avaient laissé un plus tôt. Parfait ! Elle fit volte-face et attendit sagement son compagnon, les mains jointes devant elles, un sourire poli sur le visage.